Le comédien et metteur en scène Michel Fau revient à Toulouse avec « George Dandin », pièce de Molière à l’affiche du Théâtre de la Cité, à l’invitation d’Odyssud.
Paysan nanti, George Dandin échange une particule contre sa fortune en épousant une jeune fille de noble naissance. L’histoire de « George Dandin ou le Mari confondu » est celle d’une mésalliance qui permet à Molière de jeter un regard acerbe sur ses pairs. Ponctuée d’intermèdes musicaux chantés composés par Jean-Baptiste Lully, la pièce a été jouée pour «Le Grand Divertissement royal» de Versailles offert par Louis XIV à sa cour en 1668, afin de célébrer la paix d’Aix-la-Chapelle conclue avec l’Espagne.
Après « le Tartuffe » et « le Misanthrope », Michel Fau revient à Molière à la fois comme metteur en scène et comédien – les deux étant selon lui indissociables – avec « George Dandin ». Il explique que «cette histoire grinçante inspirée de la culture médiévale, où un paysan riche et odieux achète une jeune fille noble, s’enchâsse avec des intermèdes élégants où des bergers échangent des propos galants. Dans ce conte féroce Molière mélange différents genres théâtraux: la farce gauloise, la critique sociale, la comédie de mœurs, la tragédie furieuse… tout cela porté par la partition savante de Lully. Cette satire en musique n’est faite que de contrastes: un langage familier et populaire côtoie un langage recherché et noble.»
Selon Michel Fau, «Molière nous raconte ici que le mariage est un marché dans lequel l’amour n’a pas de part. Dandin représente la bourgeoisie commerçante ridiculisée par la noblesse ruinée, mais aussi par ses valets grotesques et avant tout par lui-même ! Car il sait qu’il est responsable de la situation, il est son propre ennemi… tout au long de la pièce il s’accuse lui-même dans une longue plainte tragique, qui se doit de faire rire les spectateurs. Le public vient voir un mari jaloux et cocu se faire humilier ! La situation du mari bafoué se répète trois fois comme une torture récurrente, les vers raffinés écrits par Molière pour les intermèdes musicaux ne font que prolonger ce vertige ; ils ne sont pas une illustration de la farce mais son contrepoint. Quand la comédie parle d’infidélité, la pastorale parle de fidélité ; quand l’une se moque des nobliaux provinciaux, l’autre idéalise la noblesse de cour représentée par les bergers. Même si la pièce reste immorale puisque le mal triomphe, elle dit avant tout que l’on peut tout acheter sauf l’amour… c’est là qu’elle reste intemporelle.»
Comme l’ont prouvé ses dernières productions toulousaines de « Elektra » et « Wozzeck » au Théâtre du Capitole, Michel Fau aime souligner la noirceur qui mine les comédies et le grotesque qui habite les tragédies. Pour « George Dandin », fable à la fois douloureuse, burlesque et obsessionnelle, il assume une esthétique baroque et cauchemardesque, avec la complicité de collaborateurs fidèles: le costumier Christian Lacroix, le scénographe Emmanuel Charles, le créateur de lumières Joël Fabing.
La musique de Lully est interprétée par Gaétan Jarry, à la tête des chanteurs et musiciens de son Ensemble Marguerite Louise. C’est la première fois que la pièce est reprise dans sa version intégrale et originale de comédie en musique ; créée au Grand-Théâtre d’Albi, elle sera visible à Toulouse au Théâtre de la Cité, à l’invitation d’Odyssud dont la salle est actuellement en travaux. Ouvrant les célébrations du quatre centième anniversaire de la naissance de Molière (1622-1673), ce spectacle sera ensuite à l’affiche de l’Opéra royal du Château de Versailles.
Jérôme Gac
pour le mensuel Intramuros