Inutile d’essayer de rattacher à tel ou tel mouvement ou expression dans cette forme d’art ce qu’exprime, sur le support choisi, notre ami. L’image est justifiée par le plaisir de peindre, point. Une façon d’exprimer ses fantasmes personnels ? C’est possible. Philippe Busquets, ou un œil qui voit, qui sent, qui goûte et qui entend. Et des mains qui traduisent. Avec des compositions qui interrogent.
Tout au plus, au milieu des « néo- quelque chose » qui pullulent, va-t-on suggérer le mot de néo-expressionnisme, pourquoi pas ? Ce serait donc un retour à la peinture, après les différents courants conceptuels et minimalistes qui se sont développés dans les années 1970, un peu trop conceptuel, un peu trop minimaliste avec pour résultat, plus rien sur la toile ou si peu. Ouf, l’art redevient expression directe. En opposition au mouvement abstrait, il est revendiqué une peinture « réaliste » qui veut dépasser les apparences afin de dévoiler la vérité du sujet. Cette peinture se veut « provocatrice par l’intérêt qu’elle porte aux sujets souvent dénudés d’esthétique et aux attitudes crues ». Vous pensez Basquiat, Keith Haring ? Martha Cooper ? El Seed ? Speedy Graphito ? et encore Seen, Jana & JS, Furura, C215, les premières toiles de JonOne, ou plus ancien, A. R. Penck, un soupçon de Winfred Gaul et encore et encore. Mais cela a bien peu d’importance. Discours inutile, c’est du Philippe Busquets, point.
L’essentiel apport de ce néo-expressionnisme qui peut caractériser le travail de Philippe Busquets est d’avoir placé la vision intérieure de l’artiste au centre de l’œuvre, et adieu à la copie de la réalité, comme c’était le cas auparavant. C’est une peinture qui vient de l’intérieur, qui peut faire penser à, mais personnelle en diable. Les néo-expressionnistes reviennent ainsi à la peinture figurative, une façon de “sortir ses tripes“, sans tabou, en adoptant un style violemment émotif, et une iconographie volontiers provocatrice. Pour ces artistes, il s’agit d’affirmer une expression complètement subjective, renouant avec la matérialité et la gestualité de la peinture. Et ce, en toute indépendance.
L’art du graffiti et du street art qui va avec n’est pas loin, évidemment, et a pu impulser à des esprits créatifs l’envie de s’exprimer sur un support, de se l’approprier furieusement, inconsidérément, par les couleurs, les motifs, les sujets dans un désordre relatif.
Philippe Busquets, comme les artistes néo-expressionnistes, qu’ils soient rattachés pour certains au courant allemand, ou au bad painting, rejette la simplicité excessive de l’art moderne. Il est loin de ce minimalisme qui réduit l’expression artistique à un néant transcendé, un coup de pinceau hystérisé, un coup de brosse qui a dérapé sur le support, tout en supprimant, comble de la réussite fantasmée, toute trace d’émotion humaine, d’individualité et de culture. Non, ce n’est pas cette démarche-là qui guide notre artiste.
Bien au contraire, comme les néo-expressionnistes, il met au premier plan la subjectivité, l’émotion et son vécu qui deviennent le sujet du tableau. Notons que l’apparition et la démocratisation de la photographie ont également participé à libérer les artistes de la nécessité de reproduire à l’identique la réalité visible. Affranchis de cet impératif de copie du visible, les artistes peuvent ainsi laisser libre court à leur imagination, ce qui a entraîné une révolution dans l’art tant sur le fond que sur la forme. Eux, en profitent comme des forcenés de l’expression.
Finalement, chaque toile s’affiche comme une peinture notationnelle empreinte d’histoire, d’histoire de l’art et de tout ce qui fait le quotidien de la vie du peintre. Une expression très colorée souvent, dans des formats qui pourraient fort bien atteindre des dimensions plus importantes encore, au croisement du graffiti, du cartoon, du dessin d’enfant, et de tout ce que Philippe Busquets capte dans son propre environnement. Fantasmée ou non.