CRITIQUE. Concert. TOULOUSE. Halle-aux-Grains, le 15 Octobre 2021. Q. CHEN. F. MENDELSSOHN. M. MOUSSORGSKI / M. RAVEL. O. N. CAPITOLE. M. BAREMBOIM. L KUOKMAN.
Une association de musiciens au sommet comme dans un rêve.
Je ne crois pas au hasard et pourtant. Il y a un an le concert du chef v avait été le dernier avant la deuxième fermeture des salles de spectacles pour raisons d’épidémie virale. Pour moi le concert de ce soir est le retour à la vie musicale après des soucis de santé dont le Coronavirus. Et quel concert ! Lio Kuokman dégage dès son entrée une énergie heureuse et communicative qui galvanise l’orchestre et subjugue le public. La courte partition de Qigang Chen créée en 1998 semble avoir été très appréciée et a recueilli un grand succès. Il faut dire que l’écriture est brillante et magnifique d’originalité de timbre, de rythme et de nuances subtiles. Les très courts mouvements se complètent et se répondent avec beaucoup de finesse et d’intelligence. Les solistes de l’orchestre sont superbement mis en valeur de même que les subtilités d’une orchestration aux limites de la tonalité avec beaucoup d’hédonisme. La mise en place complexe est réalisée avec une simplicité déconcertante par le chef dont les gestes sont limpides et souples. La difficulté de la partition avec Lio Kuokman est comme un jeu et le public est subjugué. C’est bien davantage sur une pièce contemporaine qu’il est possible de dire combien Lio Kuokman est un fin musicien qui communique magnifiquement tant avec l’orchestre que le public.
Après ce beau succès l’entrée du violoniste Michael Barenboim est également énergique et joyeuse. Le subtil 2ième concerto de Mendelssohn débute comme un rêve avec un legato du violon, un son plein et délicatement nuancé qui est un véritable ravissement. L’équilibre avec l’orchestre est parfait. Lio Kuokman dans sa direction est le tact même permettant à Michael Barenboim de nuancer avec la plus grande délicatesse sans jamais risquer d’être couvert par l’orchestre pourtant très présent. Cette alchimie musicale si passionnante dans ce magnifique concerto fonctionne à merveille. Le deuxième mouvement plane haut et le final est une véritable joie partagée. Dans le bis offert par le violoniste son humour se révèle. Ce jeune musicien fils de Daniel Barenboim et d’Elena Bashkirova est né sous des étoiles musicales éblouissantes. Tout est musique en lui, tout lui est facile, comme évidant et la plus grande virtuosité n’est que pure émotion musicale, sans jamais la moindre ostentation. Quelle relève dans ces enfants de grands musiciens. Michael Barenboim n’a pas de difficulté à se faire un prénom et je rappelle cet été les immenses qualités d’Alexandre Kantorow et de Paolo Rigutto à la Roque d’Anthéron, dignes fils musiciens de parents également doués d’une génération à l’autre.
Après une courte pause le jeune chef revient et dirige par cœur les somptueux Tableaux d’une exposition de Modeste Moussorgski dans la sensationnelle orchestration de Maurice Ravel. Dès l’introduction de la promenade par la trompette solo le ton est donné, liberté et beauté sonore. Le chef lâche la bride et le trompettiste joue magnifiquement dans un phrasé de rêve. Puis le chef prend toute la main pour obtenir de l’orchestre en très grande forme une interprétation tout à fait remarquable. Le mélange de souplesse, de précision et de gourmandise dans la direction de Lio Kuokman est passionnant à observer pour le public tant il semble annoncer ce que l’oreille va entendre. L’écoute et le regard se rencontrent comme rarement en assistant à un concert dirigé par ce jeune chef tout à fait séduisant. Que dire de cette fin de soirée si ce n’est que la jubilation était partout. La construction de chaque « tableau », de chaque « promenade » s’inscrit dans la totalité de l’œuvre avec ce magnifique crescendo final dans la « Grande porte de Kiev ». Mais avant le « Veccio Castello » permet une fusion parfaite du rare saxophone dans les sonorités confortables du basson puis les bois : la poésie irradie. « Le ballet des poussins » est une horlogerie suisse parfaitement réglée. La magnificence des gros cuivres dans « Catacombes » est terriblement impressionnante. La puissance et la précision des contrebasses dans « La cabane sur des pattes de poules » provoquent un effet délicieusement effrayant. Vraiment une très belle interprétation signant une vraie fusion musicale entre les musiciens de l’orchestre et le chef. Si Lio Kuokman n’était pas déjà si engagé dans de nombreux projets il serait possible de penser à lui pour l’avenir de l’Orchestre du Capitole. Tout du moins nous l’espérons comme chef régulièrement invité !
Orchestre national du Capitole
Critique. Concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 15 octobre 2021. Qigang Chen (né en 1951) : Wu Xing ; Félix Mendelssohn (1809-1847) : Concerto pour violon n°2 en mi mineur op.64 ; Modeste Moussorgski (1839-1881) / Maurice Ravel (1875-1937) : Les Tableaux d’une exposition ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Michael Barenboim, violon ; Lio Kuokman, direction.