Le 10 octobre dernier s’ouvrait donc en la Chapelle des Carmélites la nouvelle saison de Toulouse Guitare, une belle initiative de Thibaut Garcia et des siens. La venue pour la première fois dans la Ville rose du grand musicien argentin Roberto Aussel constituait un événement que les amoureux de la guitare ne pouvaient manquer. A l’évidence, l’appel a été entendu !
C’est en effet dans une chapelle des Carmélites au complet de sa jauge que cette rencontre a enfin pu avoir lieu après deux saisons cruellement amputées. L’émotion palpable de ces retrouvailles avec le public a donné lieu à quelques ovations chaleureuses. Une ovation tout d’abord dirigée vers Thibaut Garcia, venu présenter ce concert composé des deux volets habituels de ces manifestations. Avant l’arrivée de l’invité prestigieux de cet après-midi dominical, une première intervention permet à un ou une jeune guitariste de se faire connaître d’un large public. Redisons ici l’intérêt et l’élégance d’une telle tradition.
Ce dimanche 10 octobre, c’est au jeune Virgile Barthe de faire son retour devant le public de Toulouse Guitare. Une belle occasion de célébrer sa récente intégration au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP) après de brillantes études au conservatoire à rayonnement régional de Toulouse dans la classe de Benoit Albert.
Virgile Barthe présente un programme en trois étapes qui témoigne de sa progression à la fois technique et artistique. En hommage à son professeur toulousain, Benoit Albert, il joue d’abord sa pièce virtuose Incipit & Tarentelle. Dans un langage actuel très élaboré, la partition évolue d’une sorte de récitatif vers une phase de confidence dans laquelle l’interprète se glisse avec talent et beauté sonore. Agua e vinho, du Brésilien Egberto Gismonti, témoigne ensuite de son aptitude à traduire musicalement la douceur expressive de l’œuvre.
Le jeune guitariste déploie ensuite ses multiples talents avec les nostalgiques puis également virtuoses Variations sur un thème de Sor, du Barcelonais Miguel Llobet. L’occasion de voir et d’entendre une incroyable variation jouée de la seule main gauche. Bravo l’artiste !
Le programme présenté ensuite par Roberto Aussel porte la marque d’un talent impressionnant. Rappelons que sa carrière de concertiste, de professeur et de jury de concours internationaux le mène chaque année aux quatre coins de la planète. Vivement concerné par la musique du XXe siècle, il a collaboré avec plusieurs compositeurs et nombreux sont ceux qui ont écrit à son intention. Le panorama de ce programme témoigne de cet intérêt pour les musiques d’aujourd’hui. Ainsi, les Variaciones sobre un tema infantil Venezoalo, d’Antonio Lauro, ouvrent son récital dans la profonde richesse de sa sonorité et de son jeu polyphonique. Le langage très actuel des Cinq Impromptus du Britannique Richard Rodney Bennett est parfaitement intégré et coloré par l’interprète. Autre pièce exigeante et lumineuse, Toru, de la jeune compositrice hispano-portugaise Inés Badalo, est un hommage au grand compositeur japonais Toru Takemitsu, qui donne à l’interprète tous les outils d’un travail subtil sur le son.
Le reste du programme de Roberto Aussel est placé sous le signe d’Astor Piazzolla dont on célébrait en mars dernier le centième anniversaire de la naissance. Trois pièces, arrangées par Roberto Aussel lui-même (le nostalgique El gordo triste) et Pablo Uccelli (Retrato de Alfredo Gobbi et Jacinto Chiclana), retrouvent la finesse des compositions du célèbre Argentin. La même nostalgie imprègne A la memoria de Astor de son compatriote Saúl Cosentino. Le programme s’achève sur trois des Cinco piezas para guitarra, composées par Piazzolla à l’intention de Roberto Aussel luimême. Compadre, Romántico et Acentuado, agrémentés de bruitages percussifs bien intégrés au discours musical, traduisent avec ferveur les liens qui unissaient le compositeur et son interprète.
Tout au long de ce riche périple, Roberto Aussel démontre l’étendue d’une technique irréprochable certes, mais surtout d’une musicalité, d’une séduction sonore irrésistible. La chaleur de l’accueil qui lui est réservé l’incite à offrir un bis sous la forme d’une danse du folklore argentin.
Un moment privilégié qui augure d’une belle suite de la saison de Toulouse Guitare.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse