Eugénie Grandet un film de Marc Dugain
Adapter un roman tiré de la Comédie humaine n’est jamais une petite affaire. Marc Dugain prend la suite de nombreux réalisateurs s’étant essayés à l’exercice. Il le fait avec bonheur.
C’est en 1834 qu’Honoré de Balzac publie Eugénie Grandet. Dans ce roman nous croisons un viticulteur saumurois, Félix Grandet (Olivier Gourmet dans un rôle sur mesure !). En ce début de capitalisme triomphant, il fait régner sur sa maisonnée un pouvoir patriarcal proche de la tyrannie. En effet, dans une demeure plus qu’austère, il impose à sa femme (Valérie Bonneton magistrale) et à sa fille Eugénie (Joséphine Japy, splendide découverte), une vie faite de privations de toutes sortes : chaleur, nourriture, sorties, fréquentations. Toutes deux, en compagnie d’une servante, Nanon (Nathalie Becue formidablement émouvante), s’étiolent à vue d’œil, rapiéçant jusqu’à plus soif les vêtements devant le peu de lumière d’une fenêtre. Bien qu’immensément riche, Félix Grandet est un avare pathologique. Un soir d’orage, frappe à sa porte un jeune homme, Charles (César Domboy, à revoir certainement). C’est son neveu. Il ne le sait pas encore mais son père vient de se brûler la cervelle. Ruiné, il laisse à son fils des montagnes de dettes. Entre Charles et Eugénie, le coup de foudre est immédiat. Mais le jeune homme a pour projet d’aller aux Amériques faire fortune. Eugénie lui promet de l’attendre… Et refuse un beau parti qui lui fait une cour assidue. Pour son troisième long en salle, Marc Dugain, également scénariste, n’a pas suivi le roman à la lettre, mais il en a gardé la trame essentielle, soulignant le pouvoir conjugué de l’argent et de la religion dans l’institution patriarcale d’alors. Peu d’effets de caméra virevoltante dans ce huis clos asphyxiant, mais des cadrages et des lumières dignes des plus grands maîtres de le peinture flamande. Peu de musique non plus mais des sons captés avec une précision stupéfiante, des sons naturels propres à convaincre de l’infinie solitude qui règne en ce lieu dépourvu d’humanité.
Si le final n’est pas exactement celui de Balzac, il n’en prend pas moins le relai d’un combat qui traverse les siècles avec pour but l’émancipation de la femme. Combat d’actualité, nous en conviendrons aisément. Et plus que jamais indispensable. Des dialogues au cordeau, qui peuvent pour certains fleurer bon les temps passés, voire le théâtre, n’en illustrent pas moins le génie de Balzac. Et l’on peut faire confiance aussi à des seconds rôles comme François Marthouret et Bruno Raffaelli pour les faire claquer à nos oreilles pour notre plus grand bonheur. Un film en costumes, un peu à l’ancienne certes, mais beau comme l’Antique.
Olivier Gourmet – L’incontournable Wallon
Avec un grand-père menuisier, un papa marchand de bestiaux et une maman tenant un hôtel-restaurant, le jeune Olivier cache en lui un trésor secret qu’il va finalement révéler en public alors à peine âgé de 13 ans en 1976 : c’est un acteur né ! Le journalisme sportif lui fait de l’œil mais c’est finalement la comédie qui va définitivement le prendre dans ses rets. Ce Belge devenu un acteur hexagonal incontournable ne compte plus ses opus pour le grand et le petit écran. Prix d’interprétation à Cannes en 2002 pour Le Fils des frères Dardenne, Olivier Gourmet continue de creuser un sillon fait autant d’intelligence que d’exigence.