La cinquième saison de Musique en Dialogue aux Carmélites, placée sous le signe de Jean de La Fontaine dont on célèbre cette année le 400ème anniversaire de la naissance, s’achevait ce dimanche 12 septembre. A 16 h, la précieuse Chapelle des Carmélites recevait deux artistes inspirées par le rôle que joue la forêt dans nos vies. Intitulé « L’Eden pour horizon – la forêt », cette nouvelle rencontre entre texte et musique nous transportait au cœur de la forêt de Fontainebleau.
La comédienne Marie-Christine Barrault et la violoncelliste Virginie Constant © JJ Ader
Pour ce dernier dialogue dominical de la saison, Catherine Kauffmann-Saint-Martin avait choisi d’inviter la grande comédienne Marie-Christine Barrault et la brillante violoncelliste Virginie Constant.
La prestigieuse carrière de Marie-Christine Barrault est bien connue et appréciée de tous. Elle a démarré sous les auspices de son oncle, Jean-Louis Barrault, et de Maurice Béjart. Après s’être consacrée au théâtre, elle a investi le monde du cinéma. Son évolution a connu un développement international lorsqu’elle s’est installée aux Etats-Unis où elle a tourné notamment sous la direction de Woody Allen. Si le cinéma continue de la solliciter, Marie-Christine Barrault participe à de nombreux projets aussi bien télévisuels que musicaux, comme celui de cette rencontre toulousaine.
Virginie Constant a reçu les premiers prix de violoncelle et de musique de chambre au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris. Parallèlement, elle a remporté les plus grandes distinctions lors de concours internationaux en tant que soliste et chambriste : Prix spécial du Concours Européen des Musiques d’Ensembles à Paris (FNAPEC), Premier Grand Prix au concours de musique française de Guérande, lauréate du concours de violoncelle Maria Canals en 1998 et du concours de musique de chambre Vittorio Gui à Florence…
Ce dimanche 12 septembre, l’entrée des spectateurs dans la précieuse chapelle des Carmélites est accueillie par des chants d’oiseaux, promesse d’un voyage au sein de la nature. Au cours de ce spectacle, ces deux voix féminines ont décidé de nous transporter au cœur de la forêt de Fontainebleau pour y déclarer leur flamme à ce véritable chef-d’œuvre de la nature.
Le texte qui sert de colonne vertébrale à ce spectacle réunit des contributions particulièrement bien choisies de George Sand, Théophile Gautier, Alphonse de Lamartine, mais aussi les moins connus Jean Borie et Etienne Pivert de Senancour. Le choix, l’agencement et la succession de ces écrits obéissent à un ordre intelligemment conçu. Marie-Christine Barrault sert ces propos avec la finesse, et la sensibilité qu’on lui connaît. Le timbre de velours de sa voix, ses inflexions sans affectation, aussi naturelles que passionnées, son humour aussi composent une véritable musique de conviction. Les propos évoluent au cours de la rencontre depuis la simple description poétique de la forêt, de l’évocation des vies qui animent ce milieu fascinant jusqu’à la dénonciation quasi-écologique des dommages infligés par les activités humaines à ce fragile environnement. On est sidéré de constater que ces sujets, si sensibles aujourd’hui, inquiétaient déjà certaines consciences du XIXème siècle !
Marie-Christine Barrault © Jean-Jacques Ader
La musique des notes, mais aussi des sons évocateurs des bruits de la forêt, accompagne ces propos sous les doigts de la violoncelliste Virginie Constant. La noble chaleur de sa sonorité, ses choix de phrasés et de nuances sont mis au service d’une variété impressionnante de compositeurs. Depuis le XVIème siècle de Claudin de Sermisy et Giovanni Gabrieli jusqu’au XXème siècle de Mieczyslaw Weinberg, ses interventions couvrent un large domaine musical, en particulier celui des mélodies celtes ou du fameux Chant des oiseaux, cher au cœur de Pablo Casals, mais aussi celui de l’incontournable Jean-Sébastien Bach, source de toute musique. Signalons d’ailleurs que les sublimes Suites pour violoncelle seul balisent périodiquement la progression de cet itinéraire poétique. La conclusion appartient d’ailleurs à cette miraculeuse Sarabande de la 5ème Suite qui résonne ici comme une prière implorant la sagesse des hommes vis-à-vis de la forêt.
Ce pur moment d’émotion est suivi d’un bis pour lequel Marie-Christine Barrault se plonge avec délice dans un billet d’humour de Jean d’Ormesson consacré à l’utilisation désopilante des noms d’animaux pour évoquer les activités humaines.
Une belle conclusion pour cette saison de Musique en Dialogue aux Carmélites.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
Musique en dialogue aux Carmélites