Thomas Guggeis, qui avait fait des début toulousains à huis clos le 6 mars dernier, retrouve cette fois la grande formation symphonique devant son public, toujours aussi heureux et enthousiaste depuis cette reprise tant espérée. Avec le grand violoniste Renaud Capuçon, qu’il n’est plus besoin de présenter ici, l’Orchestre national du Capitole dirigé par le chef allemand offrait ce 10 juillet dernier un programme original et consistant.
Rappelons que Thomas Guggeis a fait ses études de chef d’orchestre à Munich et Milan. Il a dirigé au Badisches Staatstheater de Karlsruhe ainsi qu’au Kammeroper de Munich. Dès la saison 2016/17, le jeune chef d’orchestre a donc assisté le directeur musical Daniel Barenboim. Il a été nommé chef d’orchestre au Staatsoper de Stuttgart, dès la saison 2018/2019. Ses talents s’exercent aussi bien au concert qu’à l’opéra dont il dirige les grands chefs-d’œuvre dans le monde entier.
Il choisit cette fois d’ouvrir son concert avec une pièce rare d’un grand compositeur actuel, l’Américain John Adams. Initialement inspiré par la mouvance minimaliste et répétitive, John Adams s’en est éloigné en produisant des œuvres dans des styles très divers, marquées par une grande richesse orchestrale. Sa première œuvre majeure, qui rencontre un large public et connaît un succès international, est l’opéra Nixon in China. Avec Tromba lontana (Trompettes dans le lointain), courte pièce composée en 1986 pour deux trompettes et orchestre, la soirée débute sur une musique séduisante, colorée et mystérieuse. Les deux instruments solistes, en l’occurrence René-Gilles Rousselot et Thomas Pesquet, sont placés en opposition gauche/droite, aux extrémités de la galerie située au-dessus de l’orchestre d’où ils échangent d’hypnotiques motifs. Il s’agit là d’une musique à la fois douce et inquiétante que l’orchestre et son chef traduisent avec intensité et expression.
Thomas Guggeis choisit d’enchaîner sans interruption cette pièce avec l’ouverture Les Hébrides (ou La Grotte de Fingal), conçue en Écosse par Felix Mendelssohn durant l’été 1829. L’idée, a priori étrange, de cet enchaînement s’avère fantastique. La compatibilité des tonalités et des atmosphères suggère cette continuité profonde au-delà des styles musicaux. Le chef anime l’ouverture en soulignant la contribution énergique des vents dans l’orchestration de Mendelssohn.
Du même compositeur, le Concerto n°2 pour violon et orchestre qui suit cette entrée en matière représente l’un des emblèmes majeur du concerto romantique. Renaud Capuçon en est l’un des grands interprètes actuels. Dès les premières mesures, il déploie sa sonorité ample et riche et une virtuosité sans ostentation. Il applique avec conviction l’indication Allegro molto appassionato du premier volet, cette passion étant tout aussi présente à l’orchestre qui s’implique comme un acteur dans les échanges avec le soliste. Chantant comme dans un lied, le soliste n’élude en rien la ferveur ni la lumière de l’Andante. Le final Allegro non troppo retrouve ce dialogue animé, enflammé avec l’orchestre. L’accueil enthousiaste du public obtient de Renaud Capuçon un bis plein d’émotion : la version pour violon du fameux « Ballet des ombres heureuses » de l’opéra Orphée et Eurydice de Gluck.
La Symphonie n° 2 de Jean Sibelius occupe toute la seconde partie de la soirée. Elle est conçue comme une évocation chaleureuse des paysages finlandais, dont le compositeur s’inspire tout au long de son œuvre. Le profond climat d’attente de l’Allegretto initial trouve son apogée au centre du mouvement dirigé tout feu tout flamme par Thomas Guggeis qui privilégie ici l’énergie des forces telluriques évoquées par le compositeur. Cordes graves, timbales et bassons prennent possession du Tempo andante que les cuivres ponctuent finalement avec éclat. Le Vivacissimo alterne la frénésie des cordes et le retour de la belle mélodie nostalgique du hautbois du premier mouvement que Chi Yuen Cheng égrène avec sensibilité et finesse. Sans transition, l’enchaînement avec le final aboutit au déchaînement d’un héroïsme dont le chef accentue le lyrisme éperdu. La coda finale développe un irrésistible crescendo qui atteint des sommets d’intensité.
L’ovation qui salue cette exécution est à la hauteur de l’énergie insufflée à cette œuvre géniale par le chef mais aussi par un orchestre chauffé à blanc.
Cette fin de saison hors norme témoigne encore du très haut niveau individuel et collectif des musiciens de notre belle phalange dont on attend avec impatience le retour !
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
Orchestre National du Capitole