Nobody, un film de Ilya Naïshuller
Pour son second long métrage, Ilya Naïshuller, jeune réalisateur russe nous met dans les pas d’un ex-nettoyeur de la CIA obligé de reprendre du service. A son compte ! Percutant bien sûr, et d’ailleurs interdit aux moins de 12 ans, mais bourré d’humour.
Dans une séquence introductive d’une violence rare, genre mise en bouche, le réalisateur nous présente une famille tout ce qu’il y a de plus tranquille. Du moins en apparence. Sauf que cette nuit-là, leur maison est cambriolée. A pas de loup, Hutch, le pater familias, surprend les voleurs. Ceux-ci ont tôt fait de le maîtriser malgré l’intervention courageuse du fiston. Placide, Hutch donne tout ce qu’il a. Au passage, les malfrats s’emparent d’un bracelet appartenant à la petite fille. Et là, franchement, autant vous le dire, ils ont tort… Avisant un tatouage sur le poigné d’un des agresseurs, Hutch va se lancer à sa recherche, mettant les pieds dans une aventure ultra-dangereuse. Mais au fait, dangereuse pour qui ? Séquence suivante, de nuit à nouveau, dans un bus. Au fond de celui-ci Hutch rentrant du travail. Au milieu une jeune femme, seule. A une station montent cinq gaillards pas mal avinés et surtout pétris de mauvaises intentions. Malgré les avertissements qu’il leur envoie, ces derniers continuent leur danse macabre. Mal leur en prend car tout à coup le paisible Hutch se transforme en guerrier intouchable et ravageur. Nous apprendrons ensuite qu’il est un ancien « nettoyeur » de la CIA. Traduction, les missions qu’il avait avant sa retraite anticipée étaient de…ne pas faire de prisonniers. Le message est clair. Sauf qu’à ce jeu-là, au fur et à mesure, Hutch est devenu addictif à la violence et peu lui en faut pour que cette addiction refasse surface. Et là elle est dévastatrice. Son enquête va le mettre sur les traces d’une organisation mafieuse collectant des fonds secrets de la mafia russe. Pas forcément des enfants de chœur non plus !
Superbement filmé (cadrages anguleux, lumières terrifiantes, montage virtuose…), le second opus de ce cinéaste nous entraîne dans un tourbillon d’actions à un rythme qui ne connait aucune chute. La subtilité du scénario est d’instiller aux pires des moments des flashes d’humour, noir bien sûr totalement jouissifs. L’un d’eux, au hasard, est certainement l’irruption des mafieux dans la chambre de la maison de retraite du papa Hutch sans savoir qu’il est un ancien du…FBI. A hurler de rire malgré… Le film repose, en terme de casting, sur les épaules de l’acteur américain Bob Odenkirk. Il a la difficile mission d’incarner un tueur sans merci aux allures d’ange de la téléréalité. Et il y arrive avec une subtilité de ton qui laisse sans voix.
Pour résumer, un film carrément décomplexé prenant un recul incroyable face à la violence et qui vous abandonne avec votre sourire aux lèvres devant une avalanche de castagnes. Un tour de force, non ?
À l’affiche dans votre cinéma : CGR Toulouse Blagnac – Gaumont Toulouse – Gaumont Labège – Kinepolis Fenouillet – Véo Muret
Ilya Naïshuller
Le jeune Ilya quitte Moscou à l’âge de 7 ans en 1990. Direction Londres avec sa mère. Sept ans après, retour dans sa ville natale. C’est là qu’il fonde un premier groupe de musique en 1997. C’est le début d’une carrière de chanteur, compositeur et guitariste, assez brillante d’ailleurs. 2013, certes avec un petit rôle, le voit devenir comédien. Très vite Ilya passe derrière la caméra. Ce sera pour un premier long (Hardcore Henry), un film d’action (déjà !) qui remporte le très convoité Prix du public au Festival international du film de Toronto en 2015. L’opus sous rubrique confirme bien l’émergence d’un authentique cinéaste.