Falguière ou Rodin : histoire d’une rivalité…
Alors qu’en ventes aux enchères les œuvres d’Auguste Rodin continuent à tutoyer des sommets : Danseuse cambodgienne, dessin, faisait plus de 58 000 euros au Mans le 13 mars et une fonte de L’éternel printemps reproduction du 1er mars 2013 partait à Blois le 21 mars pour 13 200 euros ! Voilà aussi qu’au même moment, une maintenant célèbre émission de télévision dédiée aux antiquités mène l’enquête sur Rodin et exhume la rivalité entre le géant Rodin et le toulousain Falguière, faisons le point sur cet antagonisme.
Tout part de la commande en 1892 par la Société des gens de lettres dont le président n’est autre qu’Emile Zola d’une statue de Balzac à Rodin qui devait être livrée le 1er mai 1893. Mais Rodin tarde réalisant de trop nombreuses esquisses ou essais, un nouveau délai lui est accordé jusqu’en 1895. Enfin en 1897, une délégation se rend dans son atelier pour y découvrir « une masse informe » ! La Société déclenche alors une nouvelle affaire Dreyfus digne de la querelle des anciens et des modernes : Zola, Clémenceau, Monet, Mallarmé soutiennent le génie de Rodin alors que les membres de la Société lui interdisent de couler le bronze. Rodin rembourse les sommes perçues. Mais le scandale ne s’arrête pas là.
C’est alors que notre Toulousain entre en scène et se voit commander la nouvelle statue de Balzac. Il réalisera un marbre plus classique qui représente un Balzac assis drapé dans son éternelle robe de chambre, tout comme dans le bronze de Rodin ! La statue sera inaugurée en 1901, un an après sa mort. Il est vrai qu’Alexandre Falguière avait acquis une réelle notoriété en réalisant les monuments de personnages célèbres : Lamartine (Mâcon), Lafayette (Washington), Daudet (Nîmes), Gambetta (Cahors). Pour Toulouse, il imaginera le Vainqueur aux combat de coqs (Grand Rond 1864), bronze d’une infinie élégance, ou encore le monument à Goudouli (place Wilson 1898) terminé par son élève le sculpteur toulousain Antonin Mercié. L’élève et le maître réaliseront aussi la Victoire que Napoléon tient dans sa main au sommet de la colonne Vendôme. Antonin Mercié sera le sculpteur de la célèbre statue de Jeanne d’Arc sur la place éponyme de Toulouse.
Mais, ce que l’on sait moins c’est qu’Alexandre Falguière dont l’art est souvent qualifié de « figé » et le puissant Auguste Rodin étaient d’excellents amis. En 1899, pour la présentation de son monumental Balzac, Rodin réalisera un buste de Falguière et ce dernier un buste de Rodin, faisant ainsi taire définitivement toutes rumeurs de rivalité entre les deux artistes.
Il faudra tout de même attendre 1939 pour que le Balzac de Rodin soit installé boulevard Raspail.
A un moment où les musées et galeries sont fermés, voilà une bonne raison de redécouvrir ces statues urbaines que nous oublions de regarder. Il faut partir à la recherche de Falguière, de Mercié ou encore de Bourdelle dans les rues et les parcs de Toulouse.
Balzac par Auguste Rodin Jardin de l’hôtel Biron, Paris / photo Jeff Kubina
Statue de Balzac par Auguste Rodin, boulevard Raspail (Paris, 6e) / photo Celette
Balzac par Alexandre Falguière (Paris, 8e) / photo Lepetitlord