Florian Bosio et Rémy Russ, porteurs du projet Culture Live Toulouse, sont deux DJ toulousains qui ont pour ambition de faire vivre la musique tout en mettant en valeur des lieux culturels toulousains fermés. À l’occasion de la diffusion du premier set de Culture Live Toulouse, Florian Bosio a accepté de répondre à nos questions sur la conception du projet et son avenir.
Culture 31 – Margaux Gallique : Qu’est-ce qui vous a rassemblé, vous et Rémy Russ, autour de ce projet ?
Florian Bosio : Avec Rémy, on se connaît depuis un petit moment maintenant puisqu’on est tous les deux résidents à Toulouse FM. J’ai eu l’occasion, moi, de le remplacer plusieurs fois au Purple quand il était absent et lui-même m’a remplacé dans mon propre club, donc si vous voulez, on avait déjà un lien. Au cours de plusieurs conversations sur les réseaux, pendant le confinement, on avait psychologiquement des hauts et des bas, donc on avait l’occasion de se parler assez souvent pour se soutenir mutuellement. Quand l’idée m’est venue, ça me paraissait naturel de lui proposer puisque c’était compliqué pour lui et pour moi. Il avait également le matériel qui fallait pour pouvoir réaliser le projet, donc sans lui je n’aurais, très honnêtement, jamais pu le faire. Donc voilà d’où vient l’aventure de Culture Live Toulouse .
Et comment cette idée vous êtes-t-elle venue ? J’imagine que le confinement a joué, mais est-ce qu’il y a eu un élément déclencheur ?
Oui ! C’est le fait d’avoir tourné justement un live pour le Zapata, avec Stéphane Pacheco initiateur d’un projet qui s’appelle Together live Toulouse, qui rassemble la plupart des DJ toulousains. On est allé tourner un set chez eux, qui sera diffusé bientôt, et , après avoir joué mon set, un ami proche qui m’accompagnait m’a demandé « pourquoi tu ne fais pas ça chez toi ? Ou dans ton club ? » Et je lui ai tout de suite répondu que tout le monde le faisait et qu’il n’y avait pas forcément de visibilité. Que c’était un petit peu devenu habituel, tous les week-end, de voir des dj faire des live de chez eux.
En rentrant le soir chez moi, j’ai fait mûrir cette idée. Je me suis dit qu’il fallait apporter une dose d’originalité et en même temps être solidaire au sens large dans la culture. Puisque cette fermeture ne concerne pas que les bars et les discothèques mais aussi les salles de spectacles, les musées, les théâtres, même les salles de sport, qui font parties de l’art de vivre français.
Et donc, c’est à partir de là que j’ai monté ma petite équipe et qu’on a monté le projet.
Cela n’a pas été trop difficile pour essayer de rassembler tout le monde en ces temps de Covid-19 ?
Alors, très honnêtement non. J’ai peut-être eu de la chance. Les gens ont tout de suite été motivés par cette idée, tout le monde a accroché directement. J’ai tout de suite proposé à un de mes amis qui avait émis cette idée-là, qui lui s’occupe de la coordination vidéo. Il a ensuite trouvé deux jeunes vidéastes qui font des études en cinéma. J’ai également une amie avec qui j’avais eu l’occasion de travailler qui est dans la communication. Enfin il avait Rémy, j’ai eu directement en tête l’idée de le contacter pour lui proposer et forcément il était toujours plus ou moins chez lui donc il a accepté tout de suite aussi.
Au niveau des lieux de tournages, j’ai vu que vous essayiez de choisir des lieux « culturels et emblématiques » de la ville de Toulouse. Je voulais savoir si vous choisissiez ces lieux de façon rationnelle, c’est-à-dire par rapport aux contraintes techniques, ou si c’était choisi au « feeling » ?
La première étape a été de lister la plupart des établissements à Toulouse, on partait de rien, donc sans aucun soutien, juste avec une idée et quelques moyens. Donc j’ai listé une cinquantaine d’établissements à peu près, je me suis fait une feuille Excel avec tous les contacts que je pouvais récupérer à droite et à gauche sur internet, ça a été un travail monstre.
Ensuite j’ai dû rédiger un premier mail d’accroche. Les premiers à répondre ont été le Bibent. Et par le biais de leur chargée de communication, qui a été extraordinaire, des portes nous ont été ouvertes. Elle nous a soutenus, et elle a tout suite accepté le projet. Elle nous a mis directement en contact avec l’office du tourisme et aujourd’hui ils nous soutiennent dans le projet.
On a dans un premier temps visé large et puis petit à petit, comme dans un entonnoir, on a commencé à resserrer. On a demandé à l’office du tourisme qu’il nous épaule sur des demandes un peu plus spécifiques ou en tous cas sur des établissements qui sont plus complexes parfois à appréhender parce qu’on n’a pas les contacts, on ne connaît pas ces personnes-là, et ils ne sont pas forcément de notre milieu.
Mais à contrario, c’était aussi ce qui était intéressant, c’était de rencontrer des gens de milieux complètement différents et d’apprendre de ces personnes-là.
Donc après pour le choix des lieux, de toute façon, l’esprit même du projet, c’était d’aller tourner dans des établissements qui sont fermés. A partir du moment où un établissement est fermé et que l’équipe est prête à nous accueillir, il n’y a pas de raisons qu’on n’y aille pas. À part si le lieu ne présente pas d’intérêt visuel. Mais bon le principe même c’est la solidarité donc non il n’y a pas de contraintes particulières.
Donc vous n’avez pas du tout de contraintes au niveau de l’acoustique ?
Non, puisqu’on enregistre en direct les set via un logiciel. Après on vient avec une installation qui est relativement sobre, on a tenu en fait à amener cette touche de sobriété parce que l’idée même c’est de mettre en avant l’établissement. Bon certes, nous ça nous donne de la visibilité, on en est bien conscient.
Le principe n’est pas de s’approprier le lieu totalement, on y amène juste une petite touche avec, une table, une régie, deux enceintes, un caisson et quelques lumières de temps en temps mais sans plus.
Et au niveau des sets en eux-mêmes, est-ce que vous les adaptez aux lieux ou est-ce que c’est en fonction de vos « envies » ?
Là honnêtement, on se fait plaisir. Parce que ça faisait longtemps qu’on n’avait pas touché les platines. Bon, on est sans public donc on se permet de jouer notre style de prédilection, après on va quand même s’adapter un minimum.
Rémy, lui, sera toujours diffusé en première partie de la soirée, de 21h à 22h. Il est beaucoup plus House avec du vocal, de la mélodie, ce qu’on peut appeler un peu l’apéro, donc c’est beaucoup plus accessible. Puis ensuite moi en deuxième partie de soirée je vais être beaucoup plus dans le club, dans le festival, ça va taper un peu plus.
Par rapport aux dernières aux annonces, est-ce que cela va affecter votre projet ? ou pas du tout ?
Pour l’instant nous avons tourné quatre live, et on n’en a pas de nouveau en prévision. On est en négociation pour l’instant avec d’autres établissements mais on n’a pas fixé de dates. Donc on a eu de la chance sur ce coup-là, c’est de pouvoir dans un premier temps faire un petit marathon de tournages pour avoir du contenu à délivrer, puisqu’on va diffuser ça tous les 15 jours à peu près. C’est ce qui est prévu, on ne voulait pas être présents tous les week-end. Et en plus ça demande un gros travail de post-production donc on voulait diluer ça dans tous les lives qu’il y a actuellement sur internet. On ne voulait pas trop perdre les gens non plus donc pour l’instant on devrait couvrir jusqu’à fin mai en termes de diffusion.
Ce qui fait que pendant les quatre semaines de confinement qui arrivent, on va pouvoir travailler sur nos négociations. Si on a l’occasion de tourner pendant le confinement, on mettra en place un cadre pour avoir les dérogations suffisantes pour pouvoir le faire. Mais sinon pour l’instant cela ne nous a pas annulés de dates, ni amenés de complications, et je croise les doigts pour que cela continue comme ça.
Est-ce que, en parlant d’une possible réouverture des lieux culturels, vous avez pour ambition de faire évoluer le concept du projet ?
À l’heure actuelle on n’en a pas encore parlé, mais moi j’ai dans la tête de continuer ce projet-là, de continuer de le faire évoluer dans tous les cas. Ce qui fait que tant que les établissements seront fermés on ira tourner seuls dans ces établissements. Si par la suite il y a une réouverture qui arrive, et je l’espère de tout cœur, j’aimerais beaucoup ne pas mettre un terme au projet parce que j’aimerais qu’il perdure dans le temps. Mais pourquoi pas organiser des soirées avec du public, dans ces mêmes établissements pour qu’il y ait un échange qui s’installe.
Parce que l’échange en live n’est pas du tout le même que sur internet. L’idée serait d’organiser des soirées avec du public dans ces établissements culturels qui voudraient bien nous accueillir. Et pourquoi pas aussi filmer et ensuite tourner une sorte d’after-movie qui serait diffusé pour garder ce petit côté technique quand même qu’on a depuis le début du projet.
Est-ce que vous avez pour ambition d’étendre votre projet à toute la Haute-Garonne ? ou est-ce que vous voulez rester sur Toulouse ?
La première vague de négociation a été faite sur Toulouse puisque c’est notre « fief ». On voulait symboliquement rester sur la ville, d’ailleurs on a tourné le teaser à l’Observatoire de Pech David, puisque c’est symboliquement le point le plus haut de Toulouse qui domine toute la ville.
Dans un premier temps on voulait rendre hommage à Toulouse et à sa culture, et à la culture française aussi. Maintenant si on a l’occasion d’aller plus loin, on le fera, que ce soit en Haute-Garonne ou ailleurs en France.
Propos recueillis par Margaux Gallique
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