Le festival toulousain Les Franco-russes possède de multiples facettes En même temps que les concerts symphoniques proposés par l’Orchestre national du Capitole, l’association des mécènes du Théâtre et de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse, autrement dit l’association AÏDA, soutient dans ce cadre les événements consacrés à la musique de chambre. Ainsi, le 22 mars dernier, la chaîne YouTube de l’ONCT a diffusé en différé un concert particulièrement original imaginé et animé par quatre clarinettistes de l’Orchestre. Sous le titre « Les clarinettes mènent la danse », les musiciens de ce pupitre ont offert un programme ouvert et imaginatif autour de leur instrument commun.
Tous les habitués des concerts donnés à la Halle aux grains toulousaine par l’Orchestre national du Capitole connaissent la grande qualité des pupitres de la « petite harmonie » (terme consacré pour caractériser la famille des bois) et en particulier celle des clarinettes. Quatre de ces excellents musiciens ont donc décidé de proposer un programme d’œuvres originales ou arrangées pour ce quatuor instrumental aux multiples possibilités. En outre, chacun d’entre eux est amené à changer d’instrument au cours du concert. Ainsi, Floriane Tardy joue successivement la clarinette et la clarinette en mi b, David Minetti, la clarinette et le cor de basset, Laurence Perry et Victor Bourhis, la clarinette et la clarinette basse.
Comme il se doit, le programme alterne pièces françaises et pièces russes. Tchaïkovski ouvre la soirée avec un arrangement pour quatuor de clarinettes d’Alexandre Chabod de l’ouverture du ballet, Casse-noisette. Les qualités de timbre, de cohésion, d’équilibre et de complémentarité entre les différentes voix se manifestent dès les premières mesures. Le chant traditionnel russe connu chez nous comme « Les Yeux noirs » est ensuite offert dans la transcription de Florent Héau. La première œuvre française est signée du compositeur d’aujourd’hui Guillaume Connesson : Funk, écrite pour quatuor de clarinettes est riche de rythmes variés et sollicite avec bonheur la virtuosité des interprètes. De Thierry Escaich, autre créateur contemporain bien connu, la pièce colorée Tango virtuoso, suscite un déploiement de couleurs, d’humour parfaitement assumé. Autre œuvre française, presque originale, le Petit Quatuor, de Jean Françaix, a été conçue pour un quatuor de saxophones. La passage aux clarinettes se fait tout naturellement et donne l’occasion à David Minetti de démontrer son habileté au cor de basset. Finesse, esprit, grâce légère jusqu’au vertige du troisième volet caractérisent l’approche subtile des interprètes.
Avec la sublime et tendre pièce de Claude Debussy, La fille aux cheveux de lin, (extraite du premier livre des Préludes) donnée ici dans un arrangement de Ramon Ricker, la musique se fait pure poésie. Aram Khatchatourian, avec son Galop, ménage un contraste saisissant habillé de couleurs pittoresques. Georges Bizet, avec sa célébrissime Carmen, donne ensuite lieu à un medley astucieusement conçu. Les principaux thèmes de l’opéra se succèdent, de l’ouverture à l’air du toréador en passant par les solos et duos essentiels, habilement cités.
Le programme s’achève sur le lyrisme poétique de la fameuse Vocalise, de Sergeï Rachmaninov dans l’arrangement d’Ion Dobrinescu. Le velours sonore des clarinettes constitue ici une alternative très convaincante à la voix de soprano pour laquelle l’œuvre a été écrite.
Ainsi se conclut donc (à regret !) ce splendide panorama franco-russe qui met une fois encore en évidence le haut niveau musical des membres de « notre » orchestre symphonique toulousain. Saluons également, une fois encore, la qualité de la captation et de la diffusion sur Internet de ce document vidéo.
Enregistré à la Halle aux grains, ce concert reste disponible en streaming jusqu’au 5 mai.
A voir et écouter sans modération !
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse