Une Vie secrète, un film de Jon Garano, Aitor Arregi et José Mari Goenaga
Inspiré de faits réels, le premier opus cosigné par les trois réalisateurs espagnols nous plonge dans l’hallucinante histoire de ceux que nos amis d’Outre Pyrénées appelaient les taupes. En fait il s’agit de ces républicains espagnols qui, dès les débuts de la Guerre civile en 1936 jusqu’à la loi d’amnistie promulguée par le Gouvernement franquiste en 1969, loi qui passait alors aux oubliettes la totalité des actes commis par ces derniers avant 1939, se sont littéralement terrés pendant plus de 30 ans afin de ne pas être fusillés.
La fiction tournée ici suit de près l’histoire vraie de l’un de ceux-là. Dans une séquence liminaire tétanisante, nous suivons Higinio, habitant d’un petit village fracturé entre partisans de Franco et Républicains. Nous sommes en 1936. Higinio a choisi le mauvais camp et se trouve poursuivi par les phalanges du Caudillo. Dans un premier temps il trouve refuge au fond d’un trou creusé sous l’escalier de sa propre maison, mais rapidement il doit « déménager » ailleurs. Ce sera entre les deux murs d’une maison voisine. Il y restera 33 ans ! A l’extérieur, sa femme, couturière, continuera de vivre en feignant de ne plus avoir de nouvelles de son mari. Bientôt enceinte à la suite d’une furtive et nocturne rencontre avec Higinio, elle ira s’isoler loin du village chez une parente et reviendra avec un enfant qu’elle prétendra avoir adopté. Et la vie s’écoulera ainsi pendant de longues et interminables années, sous l’œil suspicieux d’un voisin persuadé qu’Higinio n’est pas très loin. Entre transistor et coupures de presse, entre trou minuscule derrière un miroir et fente microscopique entre deux battants d’un placard, Higinio suivra le cours de l’Histoire. Il aura du mal à croire à l’amnistie et encore plus à vouloir sortir de sa cachette, sorte de matrice souterraine dans laquelle il était à l’abri, lui qui ne vivait que dans la peur. Il refusera tout d’abord ce retour à la liberté…
Multi-récompensé au Festival de Saint Sébastien en 2019, Une Vie secrète est une formidable ode à l’amour. C’est aussi un huis-clos passionnant autant qu’étouffant, un drame psychologique d’un réalisme qui frôle le thriller et parfois l’épouvante, enfin un film virtuose, somptueusement éclairé et porté par deux comédiens d’exception : Antonio de la Torre (Higinio) et Belén Cuesta, formidablement émouvante Rosa. A voir sans doute aucun.