Garçon Chiffon, un film de Nicolas Maury
La découverte d’un nouveau réalisateur est un moment unique dont il est imprudent de faire l’économie, car elle nous révèle toujours le sens caché d’une vie au moment où le cinéaste se livre à cœur ouvert.
Ce tout jeune quadra ne compte plus ses apparitions sur grand écran, pas toujours certes dans des premiers rôles. Il connaît les espoirs et les déconvenues du métier, de même que le marigot que constitue l’industrie cinématographique. Il va nous en faire part dans son premier long en incarnant Jérémie, un comédien qui n’arrive pas à décoller malgré le talent dont il est certain de détenir la plus haute valeur. Cela joue-t-il sur sa psyché ? Certainement. Le voici fou de jalousie vis-à-vis de tous ceux qui l’entourent et en particulier de son amant Albert. Ce dernier, compréhensif autant que faire se peut, finit par lui demander de prendre du champ… Pour se remettre de cette rupture, Jérémie va retrouver Bernadette, sa maman, au fin fond du Limousin, tout en ayant essayé brièvement la thérapie de groupe sur son problème. Bernadette voit du monde, beaucoup trop de monde de l’avis de son fils, et en particulier un dénommé Kevin, homme à tout faire, présent sur le domaine de jour comme de nuit… Mais la vie continue et d’auditions ratées en proposition de coaching, Jérémie voit la dépression au bout du chemin. Il consacre toute sa sympathie, son attention et son amour à son petit chien, cadeau de sa maman. Hormis GuGus donc, rien n’existe plus sur Terre. Devant la caméra, Nicolas Maury explose ici dans le personnage de Jérémie. Avec sa voix très haut perchée, ses mines chafouines, ses regards perdus toujours à la recherche d’un appui, sa mélancolie permanente, il est d’une justesse de ton sidérante. Impalpable, presque lunaire, son Jérémie est formidablement attachant et terriblement émouvant. Il trouve dans la Bernadette de Nathalie Baye une réplique fulgurante de sensibilité, de compréhension et de douleur contenue. Autre protagoniste de taille, mais qui en aurait douté, l’Albert d’Arnaud Valois, l’un des héros et la découverte en 2017 du film de Robin Campillo : 120 battements par minute. Peu de paroles, mais un visage, un regard, toute l’incompréhension d’un amour tué par une jalousie maladive. Sans oublier Théo Christine, Kevin aussi troublant que distant.
En réalisant également ce premier long, Nicolas Maury se livre sans retenue, nous claquant à la figure sans économie aucune ses émois comme ses émotions, baignant son film dans un halo de mélancolie, de poésie, de charme aussi, de fantaisie parfois, qui, même s’il a la fragilité des premiers longs, augure bien d’un avenir prometteur. Léger et grave à la fois, comme l’existence en quelque sorte.
Nicolas Maury – Dix pour cent, oui, mais pas que…
Il vient tout juste de fêter ses 40 ans et enfin de réaliser son rêve : tourner un premier long. Ce diplômé du Conservatoire parisien a déjà une longue carrière de comédien de cinéma, choisi par rien moins que Patrice Chéreau, Olivier Assayas, Philippe Garrel… Il est la Révélation de 2011 dans le film de Mikael Buch Let My People Go. Son plus grand succès, à ce jour, et sa reconnaissance populaire, lui viennent de la petite lucarne avec son personnage d’Hervé dans la série Dix pour cent. Gageons que cela ne saurait lui suffire.