Jusqu’au 6 novembre 2020, à l’Ostal d’Occitània ( Maison de l’Occitanie ) 11 rue Malcousinat à Toulouse, Salle Antonin Perbosc, l’association Oklahoma-Occitània (OK-OC) présente en quinze panneaux une histoire extraordinaire à laquelle elle est étroitement liée, celle des Osages d’hier et d’aujourd’hui.
Affiche de Rosendo Li
Avec pour fil conducteur, d’une part, l’arrivée surprenante à Montauban en 1829 de trois Osages perdus (Little Chief, Big Soldier et Hawk Woman), l’hospitalité des Montalbanais qui les aidèrent à retourner dans leur pays ; d’autre part, la reprise de contact avec leurs descendants en 1989, les échanges culturels qui ont suivi et qui perdurent depuis plus de trente ans entre Montauban et l’Occitanie d’une part, Pawhuska (Oklahoma) et la nation Osage d’autre part.
Ces Amérindiens, gardiens vivants « d’une spiritualité qui est la forme la plus élevée de la conscience politique » (1), nous transmettent encore et toujours, envers et contre tout, des valeurs de respect de l’autre et de sa différence, de notre Mère la Terre et de ses éléments, des animaux et des végétaux, sans qui nous n’avons pas d’avenir.
Les Osages sont une tribu d’Amérindiens vivant aux États-Unis, principalement en Oklahoma. La rivière Osage rappelle que cet affluent du Mississippi, traverse dans l’État du Missouri, le lieu historique de ce peuple amérindien qui n’a pas laissé indifférents les premiers Européens les ayant rencontrés : ils furent les partenaires privilégiés des Français pour la traite des fourrures. Des premières confrontations avec les colons blancs, à la christianisation et aux multiples cessions de terres auxquelles ils ont été contraints, les Osages ont réussi à faire valoir leurs droits et à conserver leur héritage tant spirituel que culturel.
Fait exceptionnel dans l’histoire des Indiens d’Amérique du Nord, ils ont pu négocier la propriété des sous-sols de leur réserve, dont les ressources en pétrole ont généré de conséquents revenus, auxquels sont venus s’ajouter ceux des casinos. Parvenus eux-mêmes à documenter leur passé, ils ont su très tôt utiliser « la voie de l’homme blanc » tout en préservant leur identité. Docteur en civilisation américaine, Maître de conférences à l’Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle, Marie-Claude Feltes-Strigler (2), qui compte de nombreux amis dans la tribu, s’est appuyée sur les traditions orales, les témoignages de missionnaires et de militaires, ainsi que sur ses recherches personnelles, pour retracer 400 ans de leur histoire.
Les Osages autrefois
En 1827, six Indiens de cette tribu embarquent à La Nouvelle-Orléans pour la France. Ils sont emmenés par le Français David Delaunay qui pense surtout au profit qu’il pourra tirer de l’exhibition de ces « sauvages ». Plusieurs milliers de personnes les accueillent au port du Havre ; puis ils sont présentés de Rouen à Paris où le roi Charles X les reçoit. Mais rapidement l’attention du public se détourne d’eux et Delaunay est envoyé en prison pour escroquerie.
Les Osages livrés à eux-mêmes vont errer sur les routes d’Europe pendant plus de deux ans. En novembre 1829, Montauban était sous la glace, le Tarn resta gelé pendant des semaines. L’hiver fut précoce et dura jusqu’en février. Trois misérables « Sans Domicile Fixe », à moitié morts de faim, se présentèrent à l’entrée sud de la ville, ils traversèrent le pont Vieux et se présentèrent à l’évêché (la mairie actuelle). Ces étrangers venaient d’un pays lointain, connu aujourd’hui sous le nom d’Etats-Unis d’Amérique, plus précisément du Kansas. L’évêque, Mgr Dubourg, organisa des quêtes et collectes de fonds dans le diocèse et ainsi ces trois Indiens Osages, Petit-Chef, Grand-Soldat et Femme-Faucon, purent rentrer chez eux. Ils n’ont jamais oublié la générosité des Montalbanais !
Et les Montalbanais s’en sont aussi souvenus, surtout depuis 1989, date de création de l’association Oklahoma-Occitania qui a retrouvé le contact avec les descendants de ces visiteurs insolites et organise en collaboration avec la nation Osage des échanges culturels qui durent depuis plus de trente ans. La célébration du double anniversaire (20 ans d’OK-OC et 180 ans d’histoire commune) a donné lieu à diverses manifestations au cours de l’année 2019.
Les Osages Aujourd’hui
En 2020, Martin Scorsese tourne en pays Osage son adaptation du roman à succès de David Grann sur le règne de la terreur en pays Osage, « Killers of the Flower Moon ». Ce thriller inspiré d’une histoire vraie retracera la première enquête de l’histoire du FBI (actuellement dans le collimateur du Président des USA) sur la série de meurtres commis dans la tribu Osage après la publication dans la presse de l’enrichissement des Osages provenant de l’exploitation du pétrole gisant dans le sous-sol de leur réserve : dans les années 1920, des morts mystérieuses se multiplièrent, au moins soixante riches Osages de pure souche furent assassinés entre 1921 et 1925, par arme blanche ou arme à feu, empoisonnement ou noyade ; chaque fois qu’un cadavre était découvert, les Osages se demandaient qui serait le suivant.
Dans le magazine Première du 1er juin 2020, on apprenait qu’Apple, la firme à la pomme, reprenait la production de Killers of the Flower Moon, le nouveau film de Martin Scorsese. Le projet porté par Robert De Niro et Leonardo DiCaprio, était resté un moment entre les mains de la Paramount ; mais refroidi par le budget colossal du long-métrage (ce dernier est estimé à environ 200 millions de dollars, soit 4 fois le budget de Danse avec les loups en valeur actualisée), celle-ci a finalement cédé la production à Apple, tout en conservant la distribution du film dans les salles de cinéma du monde entier.
Mais le financement du film ne serait pas l’unique raison de ce changement. D’après le Hollywood Reporter, un changement majeur dans le scénario serait également à l’origine de ce nouveau deal entre Scorsese et Apple. De ce que l’on sait, la première version du script prévoyait que Leonardo DiCaprio, impliqué dans le projet depuis son lancement en 2016, incarnerait un agent du FBI envoyé sur place pour enquêter sur les meurtres perpétrés au sein de la communauté osage dans l’Oklahoma des années 20. Entre temps, l’acteur aurait changé de rôle, optant pour celui d’un potentiel méchant (voire d’un antihéros). Il devrait jouer le rôle d’Ernest Burkhart, le neveu de William Hale (joué par De Niro), un type « louche », déchiré entre l’amour et les complots diaboliques de son oncle : il s’est employé à assassiner systématiquement les membres de la famille Osage de sa femme Mollie afin de voler la richesse qu’elle avait accumulée dans le pétrole du fait de ses origines amérindiennes.
En attendant la sortie prochaine de ce film très attendu, et si l’on s’intéresse à l’histoire des Amérindiens (Indiens des Plaines), on peut aussi lire le beau livre qui raconte l’histoire d’OK OC par le fondateur de l’association, et maître d’œuvre de nombre de ses actions, Jean-Claude Drouilhet, « Du Missouri au Montauban, l’incroyable odyssée des Osages perdus » (1827-1830… et ensuite), aux Editions La Brochure, disponible au prix de 15€ à la Tuta d’Oc, la librairie associative de l’Ostal d’Occitania, et au siège social de l’association Oklahoma-Occitània.
Et il reste 15 jours pour aller voir l’exposition très colorée et très édifiante d’Oklahoma-Occitània à l’Ostal d’Occitània (Parking sous-terrain place Esquirol – Métro Esquirol) : elle est très édifiante et enrichissante sur l’histoire de cette nation extraordinaire : les Osages.
On connaît bien maintenant le génocide perpétré par les colonisateurs sur les peuples autochtones d’Amérique du Sud comme du Nord, même s’il a été longtemps occulté. On ne peut s’empêcher cependant, à la vue de cette exposition, de faire un parallèle étonnant, à un siècle exact d’écart, entre la « Piste des Larmes », la déportation à l’hiver 1938-1939 de nombreux Amérindiens, en particulier Cherokees, dont 4000 moururent de maladie, de faim, de froid, et de mauvais traitements, et la Retirada de février 1939 où de nombreux républicains espagnols moururent des mêmes causes en traversant les Pyrénées à pied et dans les camps de concentration français ( voir ma précédente chronique sur Josep Bartoli et le Mémorial de Rivesaltes) : ils étaient un demi-million à quitter l’Espagne, on ne sait pas encore combien succombèrent.
L’hospitalité des Montalbanais et leurs compassion pour des Indiens perdus ne peut que nous inciter à réfléchir à l’heure où tant d’« étrangers », victimes de guerres sans pitié pour les populations civiles, ou simplement, de la misère frappent à nos portes ; même s’ils sont moins haut en couleurs que les Osages…
Comme l’écrit Jean-Claude Drouilhet : « Bien des choses nous séparent de l’Amérique et des Indiens, dans bien des domaines. Mais nous considérons la diversité culturelle comme une richesse, non comme un handicap. L’amitié entre les peuples, la connaissance et la compréhension mutuelle, la tolérance, le respect, les échanges, sont des facteurs de paix durables ».
Il est vital de cultiver ces valeurs de partage et de convivialité.
PS. Pour terminer sur une note gouleyante qui fasse chaud au cœur, sachez que le Grand Maître de la Commanderie du Babau (3) du Muscat de Rivesaltes a intronisé en 2015 John Maker, ambassadeur de la nation Osage à Montauban à l’invitation d’OK-OC, et dernier héritier de « Grand Soldat », un des Osages en errance à travers l’Europe de 1827 à 1829, qui avait fort apprécié ce « Nectar des Dieux ».
Pour en savoir plus :
www.oklahoccitania.canalblog.com
1) Les Hau de no sau nee, ou Confédération iroquoise des Six Nations
2) Ouvrages de Marie-Claude Feltes-Strigler
3) Commanderie du Babau, 7 rue du Docteur Emile Pares 66600 Rivesaltes :
« La Commanderie du Babau de Rivesaltes a été créé le 3 février 1996. Elle est l’émanation d’une autre Confrérie datant de 1296 qui fêtait la ST Blaise à Rivesaltes. L’anniversaire du 3 février Jour de la St Blaise correspond à la mort du célèbre Babau, Dragon légendaire de Rivesaltes et fêté tous les ans début août. »