L’Automne à Toulouse n’est jamais loin de l’été indien. Même envie de voyages imaginaires qui s’exprime dans les oeuvres exposées actuellement chez Sakah, Schanewald ou à la galerie Barrès et qui tranche avec le réalisme des dessins de Tignous et Plantu sur le changement climatique à l’Espace EDF Bazacle. Tour de piste des artistes à voir…
« L’émotion, ce n’est pas virtuel ». Touria Sakah, directrice de la galerie Sakah qu’elle a ouvert il y a bientôt 12 ans rue Croix Baragnon, ne mâche pas ses mots pour évoquer l’importance pour le visiteur de voir physiquement les oeuvres en galerie et de partir à la rencontre de leurs auteurs, dont l’univers n’est jamais feint. Sur le thème des peintres de l’imaginaire, le rez-de-chaussée tout en longueur de la galerie expose des toiles particulièrement oniriques à l’instar de Monsieur Madame partent en soirée, huile sur toile de Catherine Chauloux représentant un couple de personnages juchés sur une poule géante harnachée et équipée de roues, évoluant sous la lune et la lumière du chandelier porté par Madame. L’ambiance surréaliste et fantastique nourrit ainsi chacune des toiles de l’artiste nantaise. Avec humour et total décalage, la peintre invite le spectateur à la rêverie et aux contes, en s’inspirant des maîtres italiens du Quattrocento comme de la peinture flamande de la Renaissance… Proche de Bernard Louedin, qui propose là aussi des scènes imaginaires et fantastiques dans un univers cotonneux, tout droit sorti d’un rêve où les frontières s’échappent pour ne retenir que l’essentiel : « Les portes de l’ailleurs », « le retour du pêcheur », « la cage d’amour » …
Dans la jolie cave voûtée en sous-sol, c’est avec la sculptrice norvégienne Berit Hildre que nous retombons dans l’enfance. Justine prenant la pose, la moue boudeuse, toute en grâce et en innocence nous laisse contemplatifs et songeurs. A sa façon très figurative et presque intimiste de dépeindre ses personnages dans un décor cinématographique, Daniel Duytter, peintre lillois, n’est pas sans rappeler l’univers d’Edward Hopper, par l’usage du clair-obscur, la modernité des visages sur lesquels se lit tantôt l’ennui, l’absence ou le doute.
Daniel DUYTTER d’apres la photo d’ Adam Mulkern
Malgré la crise économique, des galeristes font ainsi le pari de poursuivre leurs activités et pour certains d’ouvrir de nouveaux lieux comme William Schanewald, voisin de la galerie Sakah. Ce passionné d’art contemporain et d’antiquités vient d’ouvrir début octobre et présente déjà un Bernard Buffet (1928-1999) en vitrine. « J’ai une longue expérience dans ce domaine et nous avons la chance d’avoir notre réseau de collectionneurs » poursuit-il. Une chance et une proposition supplémentaire pour les acheteurs de trouver, à Toulouse, les oeuvres qu’ils recherchent.
Galerie Schanewald
Ici, à peine passé le pas de la porte, notre regard se porte d’emblée sur une table d’Arman (1928-2005), un Théo Tobiasse (1927-2012) contemporain de Chagall (1887-1985), là, quelques huiles sur toile comme celles d’Henry Malfroy (1895-1944), aux côtés d’une oeuvre originale de Philippe Pasqua (né en 1965) ou d’un jeune artiste niçois, dont on retrouve parfois les influences d’un Picasso (1881-1973).
Philippe Pasqua Vanités aux Papillons
Regards décalés
Si les vernissages ne sont plus légion, le détour vaut le coup d’oeil, d’abord pour le plaisir de consommer de l’art sans contrainte, ensuite pour découvrir ou redécouvrir le travail du photographe et réalisateur tarbais Michel Dieuzaide à la galerie Jean-Paul Barrès, Place Saintes Scarbes. Fils du célèbre Jean Dieuzaide (photographe et créateur du Château d’eau), né en 1951, Michel Dieuzaide a cotoyé les plus grands artistes : d’abord assistant de Brassaï, il réalise des documentaires dès 1977 sur Soulages, Pierre Tal-Coat, Odile Mir ou encore Olivier Debré pour ne citer qu’eux. Il enchaîne les expositions et la réalisation de livres à partir de 1995. « …Chemin faisant ! » présente ici des clichés noir et blanc qui évoquent sa vision poétique du réel et témoignent de sa passion pour l’Espagne qu’il affectionne et connaît bien. Que pense cette femme allongée dans l’herbe profitant du soleil ? Où nous emmène cette autre jeune personne que nous suivons de dos, longeant un mur peint à la chaux craquelé par le soleil ? Dans chacune des photographies de Michel Dieuzaide, le temps suspend son vol. Faisant écho à sa pratique du documentaire, le photographe dévoile plusieurs travaux, dont la série « Vraissemblages » qui mélange deux clichés distincts dans un même cadre. Le dialogue s’instaure et propose au spectateur une narration étrange, dans laquelle chacun peut s’inventer sa propre histoire. En cela, Michel Dieuzaide est un conteur magnifique.
Michel Dieuzaide à la galerie Jean-Paul Barrès
Ouvert toute l’année et dynamique en terme de programmation culturelle, l’Espace EDF Bazacle propose une exposition de dessins de presse internationaux, portés par de grands noms et la conviction commune sur l’urgence d’agir face au réchauffement climatique. Orchestrée par EDF Hydro Sud-Ouest et le réseau international de dessinateurs de presse Cartooning for Peace, engagés dans la lutte pour l’environnement, l’exposition est conçue en partenariat avec l’Ambassade de France en Andorre. Elle y avait été présentée en 2019 au Musée de l’électricité FEDA à Andorre-La-Vieille.
BADO © Cartooning for Peace
« ça chauffe pour la planète » se déroule sous un angle pédagogique, à travers 7 thématiques, alertant avec un humour grinçant sur l’utilisation des pesticides dans l’industrie agroalimentaire, l’intérêt des énergies renouvelables, la fonte des glaces ou la multiplication des catastrophes naturelles. Regroupant des artistes du monde entier, de Tignous à Plantu en passant par Boligàn (Mexique), Tjeerds Royaards (Pays-Bas), Ares (Cuba), « ça chauffe pour la planète » exprime la nécessité pour leurs auteurs de « rire de soi-même », comme le rappelle le dessinateur français Kak et Président de l’association Cartooning for peace. Gommant ainsi l’aspect anxiogène que ce genre de thématique peut générer, cette exposition a le mérite de parler avec humour d’un triste constat dont les dessinateurs de presse se font les hérauts, en toute humilité et bienveillance.
Imaginée pour le plus grand nombre, la scénographie s’avère ludique et regorge de citations du photographe et réalisateur Yann Arthus-Bertrand, qui a préfacé le livre éponyme, paru en 2018 aux Editions Gallimard.
Terminons cette visite par l’hommage de Tignous citant François Mauriac : « Il ne sert de rien à l’homme de gagner la Lune s’il vient à perdre la terre ».
Galerie Sakah – 7 rue Croix Baragnon 31000 Toulouse
Collections permanentes – du lundi au samedi de 10h à 19h
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Galerie Schanewald – 15 rue Croix Baragnon 31000 Toulouse
Collection permanente – du mardi au samedi de 10h30 à 19h
Tel. : 09 88 49 35 70 • Mail : contact@galerieschanewald
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Galerie Jean-Paul Barrès – 1 Place Saintes Scarbes 31000 Toulouse
« Chemin faisant » jusqu’au 31 octobre 2020
du mercredi au samedi, de 14h30 à 19h
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Espace EDF Bazacle – 11, Quai Saint-Pierre 31000 Toulouse
« ça chauffe pour la planète » jusqu’au 29 août 2021
Cartoon For Peace – du mardi au dimanche de 10h à 18h
Ouvrage « ça chauffe pour la planète » à la librairie Ombres blanches
50 rue Gambetta 31000 Toulouse
Editions Gallimard-Loisirs – 10 euros
A noter des animations à l’Espace EDF Bazacle pour la Toussaint auprès des plus jeunes : « le Bazacle hanté », jeu de piste pour partir sur les traces du fantôme du Bazacle, visites spécial Haloween…