C’est un peu triste de voir cette si sympathique Salle du Sénéchal qui accueille depuis plus de dix ans la Pause musicale à peine remplie d’un quart de sa capacité alors qu’elle est comble en temps normal. Seuls quelques courageux-ses ont bravé les incertitudes liées à la pandémie pour l’amour de la bonne musique.
Il faut faire savoir que les concerts y continuent tous les jeudis et les vendredis.
Aujourd’hui, c’est un grand plaisir de retrouver le doux Didier Dulieux avec ce grand allumé qu’est Fred Bambou. Celui-ci rentre dans sa tenue de Papou échappé d’une Exposition universelle du temps de la Colonisation (1) triomphante, sur ses chaussures à soufflets qui font remonter de l’air dans les flutes harmoniques en PVC qu’il porte sur le dos.
Le public ponctue Flub, un morceau composé par Didier Dulieux, de claquements des mains en rythme avec les percussions sauvages de Fred Bambou.
Fred Bambou et Didier Dulieux, c’est la rencontre improbable entre l’accordina, instrument peu usité depuis son apparition il y a une trentaine d’années, et les percussions farfelues, créatives et originales de Fred Bambou.
Farfelues, les chaussures à soufflet on l’a dit, qui font remonter de l’air dans des flûtes harmoniques en tuyau PVC. Farfelu, le clapophone, instrument de 3 mètres de long en bambou qui se joue avec des claquettes de plage. Farfelues, les autres tuyaux PVC montées sur des poires de lavement, qui distillent un son doux et raffiné…
Didier Dulieux et Fred Bambou vont extraire de tout ce fatras une musique enjouée, souvent rigolote, parfois virtuose, toujours émouvante, qui fait du bien dans lces circonstances actuelles.
Fred Bambou est aussi un fin pédagogue : toujours avec humour, le bon sauvage présente les instruments qu’il fabrique lui-même, par exemple l’arc en bouche végétal, inspiré par celui visible dans la Grotte des Trois Frères en Ariège, pour un très beau morceau à la mélodie envoutante dédié par Didier Dulieux au Girou, le ruisseau proche de chez lui , au cours très doux, comme lui.
Rikken de de Fred Bambou, qui fabrique aussi des morceaux, sur son clapophone, didgeridoo à 7 futs, devrait devenir un tube, avec son chant dans son dialecte primitif qui évoque parfois Magma, parfois les Carmina Burana.
On a déjà oublié notre situation si particulière en cet automne nimbé de brumes sanitaires.
On apprécie toute la virtuosité de Didier Dulieux, avec une seule main et beaucoup de souffle, sur New Age, une de ses compositions en hommage à Jean-Luc Amestoy, grand pianiste et accordéoniste toulousain devant l’éternel, ponctué par l’argilophone de poche aux lames de céramique (cuites a 1300°C) de Fred Bambou. Une musique si riche pour ces temps de disette musicale malgré la formation réduite au duo.
Des Balkans à l’Irlande, un morceau traditionnel des Chieftains emporté par le Clapophone, allègre et guilleret, qui fait chaud au cœur, venu d’un pays qui a tant souffert et a su transcender sa souffrance par la musique, ce que Didier Dulieux a su faire dans une période très difficile.
Au coin du Bar évoque ces lieux si importants pour la convivialité et l’on voit renaître dans nos têtes des guinguettes, ces endroits bien sympathiques où l’on peut se restaurer, écouter de la musique et danser. On pense à certains tableaux des Impressionnistes et on se prend à rêver d’un déjeuner sur l’herbe avec une belle dame nue : ce n’est pas très féministe certes, mais cela fait chaud partout.
Bambou nous offre un solo de flûte harmonique pour introduire Cajun, un morceau qu’ils jouent souvent sur les marchés, avec encore un instrument fabriqué par ce musicien allumé, ses fameuses poires de lavement (!), accordées s’il vous plait. Enchainé avec Sombre héro, et l’on se prend à fantasmer sur un Zorro terrassant le grand méchant Covid.
En final Piou Piou, du nom du petit chat de Fred Bambou, nous entraine dans une ronde de bonne humeur bienvenue. Décidément, qu’il fait bon se retrouver encore et toujours a la Pause musicale ; avec ces deux étonnants musiciens en particulier !
En rappel, Bambou, le bon sauvage à la Rousseau, esquisse une danse tribale endiablée pour nous faire danser dans nos têtes, sur En avant Brune, une petite valse à la Dulieux, tendre et rêveuse, reprise bouche fermée par le public à l’unisson.
Bravo à la Pause musicale de continuer à nous offrir de la belle et bonne musique, envers et contre tout. Y aller tous les jeudis et vendredis à 12h 30, c’est les soutenir, et même faire une action citoyenne : sans la Musique et les musiciens qui l’a font vivre, ce monde ne vaudrait pas la peine d’être vécu !
La Pause Musicale, c’est à la Salle du Sénéchal, 17 rue du Sénéchal à Toulouse, métro ligne B station Jean-Jaurès ou Jeanne d’Arc, tous les jeudis et les vendredis à 12h 30.
Par ailleurs, n’hésitez pas à inviter Fred Bambou et Didier Dulieux chez vous : ils réchaufferont vos soirées d’hiver, à plus forte raison placées sous le signe des frimas de toutes sortes.
Le contact est le 06.51.22.54.38 – didierdulieux31@gmail.com
Un grand merci à Jean-François Le Glaunec pour ses belles photos.
PS : À noter le IIIe Festival Accordéon-Ax du 20 au 24 octobre à Ax-les-Thermes : un festival qui saura, en plus de la musique, être, comme à chaque édition, un véritable évènement d’échanges et de convivialité… Ce qui fera bien chaud au cœur en ces temps brumeux.
Didier Dulieux y sera présent avec son groupe Bouledogue, Eric Boccalini, batterie, percussions, et Laurent Guitton, tuba. Ainsi que les excellents Jean-Luc Amestoy, à l’accordéon, et Serge Lopez, à la guitare.
Pour cette 3ème édition dans un contexte particulier, nous avons choisi de privilégier une programmation régionale. Ainsi vous entendrez les meilleures formations d’Occitanie. Du solo aux sextet, il y aura de l’énergie, de l’intime, de la fête… durant cette semaine de festival. Vous apprécierez aussi les jeunes talents du classique, terminant leurs études ou jeunes professionnels, ils viennent de France, de suisse et de Belgique.
Plus d’informations sur le Festival ? cliquez ici
PS2. : A ne pas rater sur France 3 les deux remarquables documentaires (ainsi que le débat de très haut niveau avec en particulier Benjamin Stora, Leïla Slimani, Kofi Yamgnane) sur la Décolonisation française (1).
Ainsi que, Honeyland, un très beau film de cinéma vérité, tourné en Macédoine, mettant en scène dans son propre rôle une des dernières apicultrices traditionnelles.
Hatidze est la femme aux abeilles. Elle et sa mère Nazife, 85 ans, sont les dernières habitantes de Bekirliya, un village qui semble à des années lumières de la civilisation moderne. Elle est l’une des rares personnes qui continue à récolter le miel de manière traditionnelle. Seule, elle va dans les montagnes désertiques de Macédoine s’occuper des nids d’abeilles cachés dans les rochers. Sans protection et avec seulement sa passion, elle semble en parfaite communion avec les abeilles.
Honeyland célèbre l’agriculture traditionnelle, représentée par Hatidze, qui veille à toujours laisser la moitié de son miel aux abeilles pour qu’elles puissent survivre, et veut dénoncer ce monde capitaliste qui menace de disparition les abeilles, dans l’exploitation à outrance du miel et l’utilisation des pesticides.