Et si ce n’était les contraintes sanitaires, le public y serait plus nombreux encore, évidemment. Nous poursuivons l’offensive en effet avec ces deux autres concerts, toujours dans le cadre du 250ème anniversaire de la naissance de Beethoven, le 16 avec le Triple concerto pour, violon, violoncelle et piano et le 31 avec la Symphonie n°3, “Héroïque“.
Lio Kuokman © Robert Cummerow
Le 16, le concert est conduit par le chef Lio Kuokman, originaire de Macao, à la formation et au début de carrière planétaire impressionnants. Il fait partie de cette nouvelle écurie des chefs que les salles de concert se disputent. Il dirige pour la première fois les musiciens de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse. Pianiste de grand talent, il se retrouve aussi dans le triple concerto avec le violoncelliste Marc Coppey et notre tout récent violoniste super-solo de l’orchestre, Kristi Gjesi, ce dont nous sommes absolument ravis.
Kristi Gjezi © Pierre Beteille
Le Triple concerto en UT majeur, op.56, est le moins joué des sept, peut-être bien parce qu’il faut trois solistes, normalement. Mais aussi parce qu’il est moins dramatique, plus épanoui, chantant constamment, les rares moments sombres ne faisant que mieux ressortir l’allégresse d’une musique échangée avec bonheur par le violoncelle, le violon et le piano dans un dialogue inépuisable. Les phrases s’échangent, se chevauchent, circulent d’un instrument soliste à l’autre, reviennent à l’orchestre, repartent et chantent inlassablement. Il fut composé en 1804, juste après la Symphonie n°3 que vous entendrez le 31. Né donc, à l’ombre de créations prestigieuses, de cette n°3 donc, mais encore de la Sonate Appassionata et d’autres, de l’opéra Fidelio.
Marc Coppey © Ji
Le concerto est en trois mouvements : allegro – largo – rondo, les deux derniers enchaînés et dure environ trente-cinq minutes. Beethoven l’appelle aussi “symphonie concertante“ ou même “grand concerto“, en français dans la première édition. À cette époque, c’est la seule symphonie concertante connue avec une telle combinaison d’instruments.
En deuxième partie, vous entendrez « Suite d’après “beaucoup de bruit pour rien “ de Shakespeare, op.11 » du compositeur Erich Wolfgang Korngold dont le nom sera plus familier à ceux qui ont pu s’intéresser aux remarquables représentations de son opéra créé en 1921 La Ville morte “Die Tote Stadt“ donné au Théâtre, il y a deux saisons. Cette suite fut composée en 1919. Le compositeur a 22 ans. Une Suite tirée de la musique de scène pour la pièce de Shakespeare de même titre. – Elle comprend : Ouverture / The maiden in the bridal chamber / Dogberry and Verges : march of the watch / Intermezzo / Masquerade : hornpipe.
Orchestre National du Capitole © Patrice Nin
Plus connue, la deuxième Suite au programme est celle des Valses pour orchestre tirées de l’opéra le Chevalier à la rose de Richard Strauss, opus 59. En 1934, près d’un quart de siècle après la création de l’opéra qui participa à sa gloire, il écrit cette Suite dont les éléments proviennent du dernier acte de l’opéra. Dix ans plus tard encore, en 1944, il récidive et compose une nouvelle Suite à partir, cette fois-ci des deux premiers actes. L’orchestration de 1934 devient alors la Deuxième, et celle-ci devient la Première : c’est elle qui fut créée en 1946 à Londres et que l’on donne le plus souvent régulièrement. Nous sommes bien en pleine Vienne impériale.
Thibaut Garcia © Marco Borggreve Erato Warner Classics
Le 31 octobre, c’est un Happy Hour de luxe qui débute avec le “tube des tubes“ à la guitare classique, le fameux Concerto d’Aranjuez du compositeur espagnol JoaquÍn Rodrigo. Encore faut-il qu’il soit parfaitement interprété et là, bingo, le soliste est Thibaut Garcia, jeune toulousain dont toute la ville est fort fière. Quant au chef, c’est le jeune britannique Kerem Hasan qui officie, encore une pépite parmi la vague des jeunes chefs actuels qui prennent d’assaut la direction des orchestres.
D’origine franco-espagnole, Thibaut Garcia est né en 1994 à Toulouse où il a débuté l’apprentissage de la guitare à l’âge de sept ans. Il y a obtenu son prix de guitare dans la classe de Paul Ferret. À 16 ans, il est entré au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris dans la classe d’Olivier Chassain et a bénéficié en parallèle des conseils de Judicaël Perroy. En 2015, il a été nommé filleul de l’Académie Charles Cros. Il a remporté les premiers prix de nombreux concours internationaux, et notamment celui de la Guitar Foundation of America à Oklahoma City aux États-Unis en 2015, du José Tomas à Petrer en Espagne en 2014, et du Concours international de Séville en Espagne de 2013. Il y est depuis invité pour donner des master-classes et faire partie de leurs jurys. Il a remporté le 13 février dernier la Victoire de la Révélation dans la catégorie “Soliste instrumental” des Victoires de la musique classique 2019.
Le Concerto d’Aranjuez pour guitare fut créé au Palau de la Música de Barcelone le 9 novembre 1940, après le retour en terres espagnoles en 1939. Voilà deux ans qu’il est écrit, en France. Il remporte un succès immédiat et tel que le compositeur se défendra presque d’avoir composé un morceau trop célèbre ! Et pourtant, un certain Segovia aurait bien suggéré au compositeur quelques modifications qui furent illico refusées : trop difficile ? Pour ajouter à la difficulté, dit-on, Rodrigo a écrit chaque mouvement dans un style très différent.
Le premier a un aspect très flamenco, avec des touches de baroque. En revanche, le deuxième se caractérise par son thème très linéaire, apparemment facile, mais dont la difficulté tient justement à son côté “infini“, tandis que le troisième, d’une écrasante difficulté, a un profil très baroque dans lequel Rodrigo montre son goût pour les harmonies archaïsantes. Dans ce dernier, il sera d’autant mis en valeur que le chef prêtera la plus grande attention aux tutti orchestraux. Pas facile finalement pour un des plus grands tubes de la musique classique, LE tube pour la guitare classique, composé à une époque noire, une œuvre qui dit toute la nostalgie d’un passé lumineux, écrite par un compositeur aveugle depuis l’âge de trois ans et qui n’a jamais vu palais et jardins d’Aranjuez.
Kerem Hasan © Marco Borggreve
Symphonie n°3 en mi bémol majeur, “Sinfonia Eroica”, opus 55
I. Allegro con brio
II. Marcia funebre – adagio assai
III. Scherzo – allegro vivace
IV. Allegro molto
Durée moyenne d’exécution, 48 à 50 minutes, sans doute à cette date, la plus longue symphonie jamais écrite.
L’effectif orchestral de la Troisième s’étoffe d’un troisième cor. On note, les bois ou vents par deux, 2 trompettes et donc trois cors, 2 timbales et les pupitres de cordes.
Elle fut publiée en 1806 avec le titre suivant : Sinfonia grande-Eroica – per festaggiere il sovvenire di un grand’Uomo (pour célébrer le souvenir d’un grand homme).
Le premier titre Buonaparte, fut donc remplacé par Héroïque.
Eu égard aux dimensions inhabituelles de la symphonie, près de cinquante minutes, une note imprimée dans l’une des éditions originales de l’œuvre recommandait de la placer au début du concert plutôt qu’à la fin – « sinon elle perdrait tout impact sur un auditeur déjà fatigué par les morceaux précédents ». Toutefois, n’oublions pas qu’alors les concerts pouvaient présenter deux à trois fois plus d’œuvres que les concerts actuels !
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Billetterie en Ligne de l’Orchestre National du Capitole