Loin de passer inaperçus, les premiers romans sont à chaque rentrée littéraire très attendus par les lecteurs curieux de découvrir de nouvelles plumes.
Cette année, les parutions de la rentrée littéraire ont été revues à la baisse. Pour cause, la crise sanitaire qui a fortement atteint le monde de l’édition. Pour autant, il n’était pas question de passer à côté de nouveaux écrivain.e.s. et de se priver du bonheur des toutes premières fois. Voici une sélection – non exhaustive – des petits derniers appelés à devenir grands !
Fatima Daas, La petite dernière (Editions Noir sur Blanc)
Peut-être le premier roman le plus cash de cette rentrée. Un style épuré, direct. Une voix qui parle haut et fort. Cette voix, c’est celle de Fatima, narratrice qui raconte le quotidien. Elle est jeune, musulmane et elle aime les femmes. Elle est pieuse, drôle et insolente. Une identité haute en couleur mais pas toujours facile à porter. Fatima se questionne, craint de s’écarter du droit chemin, d’être jugée par les siens. Et pourtant, rien ne l’empêche de vivre tel qu’elle ressent le monde. Les courts chapitres s’immiscent dans la pensée, le cœur et les tripes de Fatima. Et le résultat est passionnant et offre la signature d’une auteure à suivre sans hésiter.
David Fortems, Louis veut partir (Robert Laffont)
Voilà un jeune auteur qui, à 24 ans, n’a pas eu peur de se confronter à un sujet terrible : la mort d’un enfant. Pascal élève seul Louis. La mère les a quittés, incapable de pouvoir s’intéresser à Louis. Pourtant c’est un enfant adorable qui deviendra un adolescent calme et raisonné. Ainsi se vante Pascal, le père. Pascal se réjouit d’avoir un enfant sérieux, très bon à l’école et qui, surtout, ne pose aucun problème. Cependant, Louis semble être un mystère pour Pascal. Si bien que lorsque Louis se suicide, le père n’y comprend rien. A côté de quoi est-il passé ? David Fortems accompagne le père dans la douleur et lui offre, grâce aux divers récits, une ultime chance de comprendre l’énigme qu’était son fils. Un roman pudique qui aborde de nombreux thème en plus de la paternité avorté et du suicide. A découvrir.
Hugo Lindenberg, Un jour ce sera vide (Christian Bourgois)
Pour son premier roman, Hugo Linderberg s’est plongé dans l’enfance. Et plus précisément dans celle de son narrateur. Il a 10 ans et il passe ses vacances en Normandie chez sa grand-mère. Somme toute, une situation assez classique. Sauf que le garçonnet vit en solitaire, un peu reclus, un peu honteux de la grand-mère à l’accent fort et de la tante aux comportements plus qu’étranges. Il se sent différent, moins bien que les autres. Cela il le remarque lorsqu’il va à la mer. Il observe les familles, leurs comportements, il envie les enfants dont l’existence semble moins rude. Parmi eux se trouve Baptiste. Et là, ça vire à l’obsession. Il veut être son ami et, contre toute attente, Baptiste lui parle, joue avec lui, l’invite chez lui. Cela réjouit le garçonnet même si Baptiste va également devenir une source d’angoisse. On ne quitte pas l’enfance facilement. Hugo Linderberg l’illustre parfaitement en faisait parler ce gamin en quête d’identité, en quête d’une famille idéale. Mais existe-t-elle cette famille en dehors de sa tête ? Voici un texte fin qui capte les peurs de l’enfance et pousse à la réflexion.
Dima Abdallah, Mauvaises herbes (Sabine Wespieser)
Beyrouth, 1983. Un décor de guerre civile et la voix d’une petite fille qui ne pleure pas. Ainsi commence ce premier roman aux accents nostalgiques. La narratrice a 6 ans, elle attend son père, son héros, le géant. Lui seul la rassure, la protège. Elle attrape son doigt et plus rien n’existe, pas même les sons terrifiants de la guerre. Pourtant, lui, il presse le pas, il veut mettre sa petite à l’abri. La voix du père et de la fille se croisent et se complètent. Puis le temps passe, la fillette grandit. Elle quitte le Liban avec son petit-frère et sa mère. Une guerre intérieure s’installe, bien pire encore. Quitter le père. La vie recommence à Paris. Les chemins se séparent et se dispersent à mesure que l’enfant, devenue une adulte, cherche un sens à son existence. Dima Abdallah dresse un magnifique portrait réaliste qui scrute à la fois l’histoire d’un pays et l’histoire personnelle. L’écriture est comme une musique intime qui saisit et rend palpable la moindre émotion, le moindre souffle de ces personnages en errance. Saisissant.
Laurent Petitmangin, Ce qu’il faut de nuit (La manufacture de livres)
Ce premier roman évoque également la relation père/fils. Mais plus encore l’amour filial au dernier degré. Le narrateur élève seul ces deux garçons. La mère est morte. Alors il faut recoller les morceaux, reconstruire une famille. Le mieux possible. C’est ce que tente de faire le père, malgré son travail difficile à la SNCF, malgré ses doutes. Mais il a de la chance, Gillou et Fus, sont de bons fistons. Travailleurs, sérieux, solidaires. Enfin, jusqu’à ce que Fus déconne. Fus commence à traîner avec des gars pas très fréquentables. Le père ne veut pas le croire, mais son fils s’est bien entiché d’une bande de fascistes. Pour lui, homme engagé et socialiste, c’est pire que tout. Une trahison. Finies les discussions et autres rigolades. Père et fils se regardent en chiens de faïence, évitent tout contact. Que dirait la « Moman » si elle voyait ça ? Le père s’interroge mais ne peut pas accepter une telle ignominie sous son toit. Surtout que les choses vont aller loin. Trop loin. Laurent Petitmangin étudie jusqu’où peut aller l’acceptation en matière d’amour. La langue est simple, pudique, sensible et bouleverse pour toutes ces raisons. Ce roman est un coup de poing qui se transforme en coup de cœur.
Photo : Fatima Daas © Olivier Roller
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