Le nouveau roman de Sarah Chiche, Saturne, publié aux Editions Seuil est un hommage posthume à son père. Une écriture sublime qui porte un portrait passionnant.
On avait quitté Sarah Chiche avec Les enténébrés, subtile histoire d’une passion fulgurante pour laquelle elle avait obtenu le prix de la Closerie des Lilas, on la retrouve cette fois-ci avec un roman encore plus intime et émouvant. Comment pourrait-il en être autrement ? Sarah Chiche évoque la mort de son père alors qu’elle n’était qu’un nouveau-né. Un père dont elle n’aura aucun souvenir et dont il faudra capter l’essence par petits bouts. Une photo dans le salon des grands-parents, des lettres ci et là, des récits, des tensions et des secrets. Tout le monde possède un bout de ce père, sauf celle qui est directement lié à lui. Alors ne reste que l’écriture pour percer les mystères et pour ne plus cacher « le cœur de ce qui m’a faite ».
Aux vulnérables et aux endeuillés
C’est d’abord et avant tout l’histoire d’une famille. Celle de Harry. Jeune homme né dans une famille traditionnelle, essentiellement constituée de grands médecins, de génération en génération. Famille qui a quitté l’Algérie lors des confrontations et qui a construit un empire en France. Harry est le second, avant il y avait Armand, le garçon prodige, le préféré de la mère, celui qui suit confortablement les traces de ses aïeux. Harry est différent, plus poétique, plus libre…il veut choisir sa vie et ne pas la subir. Harry décide de choisir l’amour, et pas n’importe lequel. Il rencontre une jeune fille virevoltée et virevoltante – sulfureuse, diraient les intimidés – c’est aussitôt le choc amoureux et combien même cela déplaît à la famille. Alors il faudra se battre, dépasser les secrets et les tensions, se mettre à l’écart. « Dans une famille la haine vise toujours, d’une manière ou d’une autre, l’extermination de ses membres les plus vulnérables », affirme l’auteur. Harry est bien décidé à ne pas subir cette injustice et à vivre le bonheur. Et ce bonheur viendra et sera contenu tout entier dans le sourire de sa fille.
Car Saturne c’est aussi l’histoire d’amour d’un père et d’une fille. D’une filiation aussi éphémère que puissante. D’un amour aussi fugace qu’indélébile. Sarah Chiche replace une à une les images de ce châteaux de cartes dévasté et reconstruit le corps du père. Comme une promesse impossible à ne pas tenir, elle leur offre la relation intense qu’ils n’ont pas eu la chance de vivre. Ce roman est touché par la grâce d’une écriture sans comparaison qui bouleverse de bout en bout !
Sarah Chiche, Saturne, Seuil, 208 p.
Photo : Sarah Chiche © Manuel LAGOS
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