Résistance, résistance semble chanter, hurler ? les responsables du Théâtre Garonne devant le sort actuel fait à tout ce qui se rapporte, directement et indirectement, à ce que l’on a coutume de désigner par le mot de CULTURE.
Dans les Galeries souterraines du Théâtre, le Théâtre poursuit son aventure avec son concept À bas bruit du 26 août au 6 septembre. Concept dont les lignes suivantes, en direct de Garonne, vous éclairent sur la démarche adoptée et le but envisagé.
À bas bruit : se dit d’une chose qui se développe de façon souterraine, discrètement mais sûrement, avant d’apparaître au grand jour. Comme le frémissement clandestin qui sourd avant tout bouleversement. Aussi bien sûr, comme la sourdine d’une pandémie qu’on ne voit pas venir… Ou encore, selon la belle expression de Corinne Pelluchon (dans Éthique de la considération, Seuil, 2018), comme tous ceux qui, loin des grandes tribunes tapageuses, « réparent le monde à bas bruit ».
À Garonne, À bas bruit est le nom d’une série de rendez-vous proposée à partir du 2 juillet prochain, qui s’inventera tout au long de la saison 2020-2021. Chaque trimestre, trois ou quatre artistes seront conviés à inventer, dans les magnifiques sous-sols du théâtre, une forme courte – très souvent, une étude préparatoire à une production en cours, parfois un bref récital concocté pour la circonstance – et à la présenter à un petit contingent de spectateurs, plusieurs fois par jour.
Histoire de permettre aux artistes et techniciens de poursuivre leur travail, et à la curiosité du public de ne pas cesser de s’exercer. Histoire pour ce théâtre, et pour ceux qui le font vivre (nous tous, donc) de continuer à faire résonner ces histoires qui articulent nos vies et leur donnent sens : les partager, les faire circuler, de proche en proche, telle une contamination de bonne augure – et de belle facture.
Alors que, passée la stupeur, la société dans son entier reste (pour quelques temps encore) en « post-confinement », et l’activité dans le monde du spectacle durablement entravée, cette programmation se rêve comme une réponse face à l’absence. Notre manière à nous de résister au silence, même à bas bruit…
Adam Laloum donnera une série de concerts dans les galeries souterraines du théâtre, d’ abord seul au piano la première semaine (Bach, Beethoven, Berg, Schubert), puis en duo avec la violoniste Mi-Sa Yang (Brahms, Strauss, Poulenc, Stravinsky).
Inutile, je pense, de vous présenter le pianiste Adam Laloum devenu si cher au cœur de tant de toulousains et dont la réputation va bien au-delà des frontières depuis plusieurs années maintenant. Ceux qui ont pu assister à son dernier récital au Cloître des Jacobins un certain 19 septembre 2019 sont encore tout émus de cet instant suspendu. Étant, je l’avoue, peu objectif, je n’en dirai pas plus !!
Quant à la violoniste Mi-Sa Yang, elle est une partenaire favorite de Laloum en musique de chambre. Les deux ont, comme on dit, des palmarès éloquents et on se plaît à les retrouver ensemble, ici. Sachons que leurs enregistrements sont tous à retenir.
Programme de la première semaine : Bach, Beethoven, Berg, Schubert
Les journées du 26, 27 et 28 août et chaque fois sur des horaires à consulter. Chaque mini-concert est sur une durée d’environ 30 minutes
« Ces petits concerts seront construits autour de la sonate pour piano. D’après son étymologie, « suonare » est une musique à sonner, à jouer, et semble l’écrin parfait pour exprimer une grande palette de sentiments. Prenant pour point de départ la Toccata en mi mineur de Bach, j’ai choisi de mettre cette œuvre en miroir avec la Sonate opus 101 de Beethoven pour leurs points communs et les contrastes qu’elles génèrent. Les deux Sonates de Schubert forment un portrait assez complexe du compositeur entre la bonhomie de la première, et l’errance inquiète de la deuxième. Y sera placée au milieu la Sonate de Berg, concentrée en un seul mouvement, au langage proche de l’atonalité, sombre et agitée. La Sonate de Brahms opus 5 est l’œuvre la plus développée et sera la grande épopée romantique du programme. » Adam Laloum
La Sonate n°28 en la majeur, opus 101 qui ouvrait déjà son dernier récital toulousain, ne fait pas partie des plus célèbres des 32 écrites par le compositeur. Elle compte pourtant parmi les réalisations les plus admirables de ses compositions pianistiques, réalisation dans laquelle le sentiment et la recherche formelle se marient idéalement avec, en conclusion, une admirable fugue – ce, pour la première fois dans une sonate pour piano chez son auteur.
Quant à la Sonate op.1 d’Alban Berg, composée dans les années 1907-1908, le nom du compositeur est plus connu quand on évoque le dodécaphonisme schœnbergien, mais c’est ici un univers sonore passablement différent que l’on découvre grâce à ce choix d’Adam Laloum. Une sorte de fruit tardif du romantisme allemand, un composé de Schumann, Brahms et même Richard Strauss, d’une durée d’une dizaine de minutes environ.
Les deux Sonates de Franz Schubert sont la Sonate en la mineur D845 et la Sonate en la majeur D664
Programme de la deuxième semaine : Brahms, Strauss, Poulenc, Stravinsky
Sur les journées du 2, 3, 4 5 et 6 septembre avec horaires spécifiques et chaque mini-concert est sur une durée d’environ 30 minutes.
« Nous avons élaboré ce programme autour des trois Sonates pour violon et piano de Brahms. Ce sont des œuvres bouleversantes, d’une émotion toujours contenue que nous avons choisi de vous présenter par trois pièces contrastantes : la Sonate de Strauss, lumineuse et virtuose, néanmoins dans la lignée romantique de Brahms. La Sonate de Poulenc au langage plus abrupt, entre pastiche et noirceur, est une pièce très poétique et originale. Le Divertimento de Stravinsky est une suite de danses de caractère, tirée d’un ballet. » Adam Laloum et Mi-Sa Yang.
C’est à l’âge de quarante-cinq ans que Brahms va composer véritablement sa première sonate pour piano et violon, en pleine maturité donc (été 1878 et79). Le compositeur est, malgré quelques fâcheries de plus ou moins longue durée, toujours ami avec l’un des plus grands violonistes de ce XIXè siècle, le dénommé Joseph Joachim. De nombreuses pièces de Brahms en rapport direct avec le violon ont été corrigées, créées par l’illustre virtuose de l’archet. S’il n’est pas intervenu de façon efficiente, on dira que son ombre fut d’une présence permanente. Et bien sûr, pour les trois sonates dont il est question ici, la dernière achevée en 1888. Avant cette première, des esquisses plus ou moins poussées ont été détruites par Brahms lui-même. Pour ce qu’il en est de cette formation piano-violon, seules comptent donc les trois interprétées ici. On pourra remarquer que la Sonate en mi bémol majeur, op.18 en trois mouvements de Richard Strauss retenue ici, la seule écrite par le compositeur, date rigoureusement de la même période que la dernière de Brahms, 1888.
La Sonate de Francis Poulenc est écrite à la mémoire de Federico Garcia Lorca, exécuté sommairement. C’est à ce moment-là et au sujet des sonates violon-piano du XIXè qu’il écrira : « Comme celles de Brahms sont belles ! Je les connaissais mal. On ne peut obtenir un bon équilibre sonore entre les deux instruments si opposés, le piano et le violon, que si on les traite à part égale.… »
Billetterie en ligne du Théâtre Garonne
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