Le dernier roman de Michèle Teysseyre pourrait être un véritable docu-fiction. En effet, il retrace les heurs et malheurs d’un pauvre quercynois parti, pour différentes raisons, au début du 20è siècle, en Patagonie. Les raisons sont en effet multiples. Accumulant les désillusions sentimentales et professionnelles, voire financières, il ne trouve pour seul refuge que la fuite en avant et l’aveuglement chimérique de cette nouvelle ruée vers l’or patagonien qui vit l’exil de milliers d’Européens vers l’extrême sud de l’Argentine.
Il part aussi chargé d’une dette qu’il compte bien rembourser. L’auteur nous met littéralement dans ses pas, de Puigcerdá à Barcelone puis direction l’aventure outre-Atlantique. Bien sûr le miroir aux alouettes n’aura jamais autant mérité sa réputation. Mais Louis Capelle, c’est le nom de notre héros, est un vaillant et il va finir par devenir propriétaire d’un lopin de terre au cœur duquel se trouve un ilot pour le moins insalubre.
Quelques relations avec les autochtones et la proximité d’une petite ville lui permettent de rester de manière épistolaire en contact avec la France. C’est à partir des quelques lettres reçues que l’un de ses descendants indirects arrive à reconstituer l’écheveau généalogique de cet homme parti si loin pour finalement n’en jamais revenir.
Ce livre se lit d’un trait. Découpé en très courts paragraphes, il est le témoin invisible d’un homme bon, honnête, courageux et trace de lui un portrait d’une profonde mélancolie, celle du pays qu’il a quitté mais aussi celle d’un pays dont nous savons aujourd’hui quel théâtre de génocides barbares il fut sous le prétexte des richesses minières. Sur ce dernier point, Louis Capelle croisa le chemin d’un survivant venu d’un autre monde, celui d’avant, un Indien toujours accompagné d’un caïman. Leurs taiseuses mais fascinantes rencontres furent les derniers feux de deux univers à jamais irréconciliables.
Entre solitude, labeur et nostalgie, une vie quasi christique au cœur d’une région damnée. Un livre palpitant.
Robert Pénavayre
une chronique de ClassicToulouse
« Patagonie » • Serge Safran Editeur
Retrouvez tous nos articles Littérature et vos Librairies sur Culture 31