Le deuxième des trois concerts de reprise de l’Orchestre national du Capitole renouait enfin, le 26 juin dernier, avec la complicité qui lie les musiciens à leur directeur musical Tugan Sokhiev. Une Halle aux Grains réaménagée retrouvait ce soir-là un public, certes plus clairsemé qu’à l’habitude et bardé de masques bleus, mais non moins enthousiaste, venu pour acclamer ses musiciens et leur chef. Autre attrait de cette soirée, la présence du pianiste si légitimement apprécié des Toulousains, leur compatriote Bertrand Chamayou !
Tugan Sokhiev et ses musiciens, heureux de se retrouver – Photo Classictoulouse –
Les contraintes sanitaires scrupuleusement respectées ce soir-là ont nécessité une nouvelle disposition du plateau de la salle de concert. La distanciation physique entre les musiciens entraîne un généreux étalement de l’orchestre qui occupe ainsi une grande partie du parterre vidé de ses sièges et qui accroit considérablement la surface habituellement occupée. Sérieusement attaché aux règles sanitaires, chaque musicien arrive masqué sur le plateau et ne se démasque qu’une fois installé.
Est-ce cette disposition nouvelle (et notamment l’absence de public dans les seconde galeries) ou l’enthousiasme palpable qui anime chaque membre de l’orchestre, la sonorité globale semble plus pleine, et néanmoins plus transparente qu’à l’ordinaire. Le plaisir de retrouver enfin la musique vivante, la présence physique et directe des interprètes et du son reste irremplaçable. On se doute bien qu’il en est de même pour les acteurs de ce « retour à la vie ».
Dans une brève allocution liminaire, Tugan Sokhiev ne peut cacher sa joie de retrouver ses musiciens et son public (même barré du bleu des masques !) de même que cette Halle aux Grains, lieu emblématique de plaisir musical.
Mendelssohn et Ravel composent le programme de la soirée. Le bonheur et la lumière que distille toute l’œuvre de Felix Mendelssohn, disparu si jeune, transparaît dès l’ouverture Les Hébrides, parfois intitulée La Grotte de Fingal, du nom de ce lieu magique qui avait fasciné le compositeur lors de son voyage en Ecosse. On retrouve avec bonheur l’énergie des cordes, les couleurs des vents, la chaleur communicative des rythmes variés, la vitalité qui anime cette exécution pétillante.
Bertrand Chamayou, soliste du Concerto en sol de Ravel – Photo Classictoulouse –
La Symphonie n° 4 dite « Italienne », du même Mendelssohn, tout imprégnée de cette lumière particulière de la péninsule, referme ce programme. La fébrilité de l’Allegro vivace initial, le tendre recueillement de l’Andante, la grâce poétique du Con moto moderato débouchent sur un Saltarello final bondissant et jubilatoire, parfaitement en phase avec les circonstances de cette reprise.
Entre les deux partitions de Mendelssohn, Bertrand Chamayou vient exalter l’esprit de modernisme et de classicisme qui habite le jubilatoire Concerto en sol majeur pour piano et orchestre de Maurice Ravel. De l’inattendu clap de fouet qui ouvre l’Allegramente initial à l’accord final du Presto, la tension ne se relâche pas un instant, ni la complicité joyeuse qui s’établit entre le soliste et l’orchestre.
Bertrand Chamayou anime l’œuvre avec une énergie et une maîtrise exemplaires. Brillant sans ostentation dans les multiples traits virtuoses qui truffent sa partition, il sait charmer le déroulement presque mozartien de l’Adagio assai. Les accents jazzistiques du Presto final résonnent avec un naturel parfaitement intégré.
Saluons l’exécution des multiples solos instrumentaux qui épicent la partition, à commencer par le redoutable trait initial de trompette, magistralement exécuté par Hugo Blacher. Thibault Hocquet maîtrise avec panache le tout aussi périlleux solo de cor, alors que le cor anglais de Gabrielle Zaneboni et la harpe de Nabila Chajai conjuguent avec art la poésie de l’écriture. Flûtes, hautbois, bassons et clarinettes ne sont pas en reste. Apparemment, les musiciens ont su entretenir la qualité de leur jeu pendant ce confinement !
Rappelé avec insistance, Bertrand Chamayou prolonge la soirée avec la version originale pour piano seul de la belle Pavane pour une Infante défunte. Un espace de poésie grandement apprécié par le public comme les musiciens.
Le 2 juillet prochain, le troisième et dernier concert de cette reprise en appellera au père spirituel de la musique occidentale Johann Sebastian Bach…
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
Orchestre National du Capitole