Dans cette récente parution, la Maîtrise du Conservatoire de Toulouse et l’ensemble de cuivres anciens de Toulouse Les Sacqueboutiers, sous la direction de Mark Opstad, ressuscitent la plus envoutante des musiques qui soient. Cette nouvelle création intitulée « Musiques pour les funérailles royales espagnoles » réunit autour du légendaire Requiem de Tomás Luis de Victoria (Officium Defunctorum, datant de 1605) un ensemble de pièces vocales et instrumentales destinées aux funérailles royales espagnoles de la fin du Siècle d’Or. Une heure pleine d’une intense et rare musicalité.
Donné en concert le 9 avril 2019 en l’église des Augustins de Toulouse, ce programme musical à la fois original et précieux avait suscité l’enthousiasme du public. Il s’agissait alors de redécouvrir le Requiem du grand compositeur espagnol Tomás Luis de Victoria (1548-1611) dans une version complète associant aux voix d’enfants et d’adultes l’ensemble instrumental requis à l’époque. Considéré comme l’une des plus belles compositions de son auteur, cette « Missa Pro Defunctis », habilement présentée et commentée par Philippe Canguilhem dans le livret, est aussi l’une des dernières grandes œuvres du style polyphonique sacré de la Renaissance. Sous son austérité raffinée s’exprime une conviction passionnée. Elle brille d’une ferveur extraordinaire, dans une atmosphère musicale et spirituelle qui reste sereine et adaptée aux exigences liturgiques. Cette Messe est la dernière œuvre connue de Tomás Luis de Victoria. Ses beautés justifient la fascination qu’elle exerce depuis sa création en 1603 pour les obsèques de l’impératrice Marie d’Autriche.
La succession des ordinaires liturgiques traditionnels donne naissance à un véritable arc-en-ciel de couleurs vocales stratégiquement soutenues par un beau déploiement instrumental. L’émotion nait d’une ferveur palpable et admirablement maîtrisés sous la direction précise et efficace de Mark Opstad.
Niché au cœur de ce programme fascinant, cet Office des morts est précédé et suivi de quelques motets de la même veine, pour certains antérieurs au Requiem, pour d’autres ouvrant la voie à la période baroque.
Deux pièces purement instrumentales s’insèrent dans un corpus de partitions dont certaines sont destinées aux voix seules, d’autres à la réunion des deux ensembles. Avec « Commisa mea pavesco », de Manuel Correa et « O sacrum convivium », de Tomas Luis de Victoria, Les Sacqueboutiers témoignent une fois de plus de leur profonde connaissance de leur bel instrumentarium, ainsi que de leur familiarité avec un répertoire dont ils savent restituer la finesse, les couleurs, la spiritualité. C’est une atmosphère recueillie et intense qui caractérise ces deux pièces, totalement dans l’esprit de l’ensemble de ce programme.
Toutes les autres partitions mettent en évidence les qualités exceptionnelles d’un ensemble vocal dont l’effectif dépasse ici la cinquantaine : enfants et adultes réunis. La Maîtrise de Toulouse, créée en 2006 au sein du Conservatoire de Toulouse sous la direction de Mark Opstad, est devenue l’une des structures maîtrisiennes les plus accomplies. On est ici fasciné par la qualité des timbres de chaque registre, la cohésion de l’ensemble, l’ampleur d’une dynamique parfaitement adaptée aux œuvres abordées, musiques de l’esprit, de la réflexion, de la méditation.
Les grands compositeurs de ces temps de transition, Francisco Guerrero, Miguel Juan Marqués, Alfonso Lobo, s’imprègnent de la richesse polyphonique de la Renaissance et du Siècle d’or espagnol. Les deux dernières œuvres inscrites au programme, le « Libera me » de Mateo Romero et « Taedet animam meam », de Carlos Patiño, annoncent déjà la naissance du style baroque et de ses développements futurs.
Cette splendide résurrection est à marquer d’une pierre blanche.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse