Journal du Grand Confinement J 16
Il m’en aura fallu du temps pour reprendre la plume…. Moi habituellement si prolixe en compte-rendus de spectacles vivants.
C’est que la situation mondiale a eu de quoi me sidérer, me couper le souffle, j’avais perdu la capacité de penser et surtout d’écrire quoi que ce soit. Les huit premiers jours ont eu le gout exact de la sidération post traumatique. Je la connaissais cliniquement par mes rencontres avec ses effets en tant que professionnel mais là de plein fouet ça a été violent pour moi. D’abord tout a été consacré à l’organisation (annuler des rendez vous, se concerter en équipe sur une permanence des soins, annuler tous les loisirs, tous ( plus de concerts, de répétition chorales, de cours de chant, de soirées amicales) puis s’organiser un confinement confortable, faire ses courses et de la « bonne cuisine », enfin trouver le temps d’écouter le grand consolateur (Bach avec Gardiner dans les cantates : cette intégrale est un vrai miracle! ) et faire des siestes, de longues nuits. Retrouver une temporalité plus naturelle et accepter de ne plus sortir sans autorisation. Et se réveiller au bout de cela en luttant contre la sidération : reprendre le télétravail et le gout de penser. Écrire aussi un cours que je n’ai pas pu faire et que j’avais prévu uniquement à l’oral. Renoncer vraiment à la série de concerts fabuleux prévus en mars à Toulouse ( Bolchoï, Platée, orchestre etc.) … Cela devait être le mois le plus riche…. Je n’insisterai pas ….
Donc plus aucun élément permettant un ressourcement habituel. La découvert d’un forme de vide non choisi car le vide choisi je connaissais bien, je le recherchai régulièrement. Mais ce vide tombé comme un coup de guillotine c’est une expérience inouïe.
Le choc a été terrible de découvrir que j’avais sous estimé les effets du virus depuis si longtemps comme beaucoup d’autres. Mais j’avais dès le début été conscient que l’évolution du virus était moins fondamentale que les réactions politiques à la pandémie. Et je dois dire que je n’ai pas été déçu par l’ensemble des réactions mondiales qui mérite une écoute et une analyse sur le long terme et j’attends avec intérêt les avis de sociologues, politologue et anthropologues. Comment garder le sens de la mesure, prendre les bonnes décisions et garder sa place dans cette cacophonie mondiale ?
Que garder de fondamental ?
Le sens de la vie d’abord. La menace du virus est sérieuse mais cela aurait pu être bien pire. La propagation n’a rien à voir avec la grippe espagnole juste après la guerre sur une population dénutrie, ni avec les épidémies de pestes historiques, il est loin d’avoir la sévérité de l’Ebola virus ou du Sida. Pourtant, pourtant il fallait réagir et la situation aujourd’hui’ hui est rien moins qu’épouvantable. Ce n’est pas une consolation, loin de là, mais cela pourrait être bien pire avec un virus bien pire et une question me taraude : saurons nous tirer des leçons pour un avenir viral pire bien probable ?
L’épidémie est partie de Chine. Nous ne serons jamais exactement comment mais un film sur les virus permet de se faire une idée. Cette émission de 2014 sur Arte est rediffusée et mérite toute notre attention.
La menace invisible :
La réaction de l ’empire du Milieu a été autoritaire et se prétend efficace, à ce jour on nous dit que l’épidémie est stoppée en Chine. Toutefois le bilan réel reste à connaitre. Le monde admire et honni à la fois le modèle chinois. Fermeté du régime, soumission de la population confinée au delà de l’imaginable (volets fermés), audaces thérapeutiques et savoir faire organisationnel spectaculaire, activités de recherche très enviables. Mais aussi dissimulations, intimidations, optimiste d’ état . La Chine reste un grand pays mystérieux.
Les pays limitrophes ont réagi à leur façon, là en confinant largement, là en confinant sélectivement. Mais tout ceci restait lointain. C’est l’arrivée du Virus en Italie qui a changé la donne.
Et la dangerosité du virus a pu être plus lisible.
Et c’est à partir de ce moment là que la question de la réponse des états a été incroyable. Il était impensable qu’une démocratie puisse décréter un privation de liberté et de ses mouvements si drastique. Milan coupée du monde, Venise au trou. Puis toute l’Italie confinée avec des sanction de prison ferme pour le contrevenants. Il se passait quelque chose d’inouïe que même les guerres n’avaient pas obtenues. Car même en temps de guerre des audacieux peuvent sortir. En France nous avons fait « les Américains », nous ne voulions pas y croire, moi le premier rassuré par la comparaison avec les virus bien plus dangereux, évoqués dans la vidéo ci dessus.
La panique des Italiens venait des faiblesse de leur système de santé nous disions nous en toute suffisance.
Le cri du médecin de Bergame a toutefois ébranlé bien des optimistes.
Et cette lettre venue d’Italie en tant que témoignage du front est depuis devenue une réalité en France
Le Grand Confinement en France est venu en deux temps d’abord le samedi soir 14 mars . Pour moi c’est la qu’il a débuté. Mais il n’est devenu réalité pour tous que le mardi 17 mars à midi.
Cela fait tout ce temps déjà et je range avec ébahissement les autorisations de sorties que je me suis faites. Jamais je n’aurai imaginé une telle chose. Sortir de chez soi en signant une Autorisation de Sortie Dérogatoire comme un lycéen majeur qui se signe ses mots de sorties ?
Depuis hier une mauvaise conscience me gagne et chaque sortie est très pénible, avec un sentiment de faute. N’aurais je pas pu renoncer à cette sortie ? Les commerces sont desserts, certains rayons dévalisés, les rues et le ciel sont vides de bruit et de présences humaines.
Les premiers jours c’est la beauté de le ville si calme et resplendissante qui me fascinait. L’air qui retrouvait si vite la pureté des bords de lacs de montagne, les oiseaux maitres des airs devenant bruyants. Le ciel si bleu, si beau. Jamais je n’avais vécu en ville si beau premier jour de printemps. Voilà un souvenir que je veux chérir. Et mon rêve d’une ville sans voiture est devenu réalité. Il faudra nous en souvenir , c’est beau et c’est possible. Les effets sur la circulation routière sont encourageants :
Le froid et la pluie revenus l’ambiance est devenue plus terne… mais je suis arrivé à faire ce premier texte sur le Grand Confinement. Je tacherai de commettre une suite dans peu de jours. Pour l’heure il est facile d’être sage, il faut rester chez soi. Il y a bien pire dans la vie.
Mais je vais écouter les nouvelles officielles du jour, il faut aussi entendre les vrais chiffres des morts….
Mais n’oublions pas que notre ville est belle seule avec elle même ou presque car nous sommes là pas loin….