On s’en doutait un peu mais la preuve en a été donnée dès la Première de cette nouvelle série de représentations de l’Élixir d’amour sur la scène du Théâtre du Capitole. Vannina Santoni et Kevin Amiel ont été tels que l’on peut souhaiter les entendre et voir dans leur rôle respectif d’Adina et de Nemorino, de cet opera buffa de Gaetano Donizetti.
Voir mon article d’annonce de cet opéra.
Enfin, ce samedi soir, il est à noter que la représentation a été sauvée par le ténor Paolo Fanale qui a remplacé pratiquement au pied levé Otar Jorjikia, toujours indisposé. Le public a su l’ovationner autant pour ce fait que pour sa prestation d’ensemble.
Certains vous ressasseront encore, même s’il n’est plus, que l’aria « Una furtiva lagrima » ne peut être mieux chanté que par ce regretté Luciano !!! Comme si Nemorino se résumait à ces trois minutes pour un rôle dans lequel l’intéressé ne quitte pas la scène, pratiquement tout au long de l’opéra. Désolé, mais nous avons entendu aussi bien et de plus, par un chanteur-acteur qui interprète à ravir son rôle, jusqu’à nous faire “le poirier“ pour montrer son contentement ! Semie-plaisanterie mise à part, j’ai oui dire que vendredi soir, ce fut comme la veille, un véritable enthousiasme dans la salle. Dont acte. Kevin Amiel est bien le Nemorino de Toulouse ! Et la “furtiva lagrima“ n’est pas prête de le lâcher. Un petit bijou.
Elisir d’amore, ou quand amour, rire, poésie, mélancolie, ne font qu’un. Oublions le fait que la production fut vue pour ma part à plusieurs reprises et louons donc cette dernière réussite dans son ensemble. Arnaud Bernard et William Orlandi ont fait subir à l’ouvrage une transposition, mais légère, disons un petit siècle. Ce qui leur permet de pouvoir utiliser comme décors, bicyclettes et magnifique voiture ancienne et accessoires de prises de photo, cet art que l’on retrouvera d’ailleurs tout au long de l’opéra. On débute par des panneaux coulissants qui s’ouvrent comme les petits réflecteurs obstruant l’objectif, des panneaux qui participeront à tous les jeux scéniques mis au point, avec ces “arrêts sur image“, ou ces “mouvements décomposés“ du meilleur effet. Visuellement, ce sont de très beaux instants. Les scènes paysannes participent à l’esprit bon enfant et à l’idée maîtresse de l’écriture du livret comme de la partition. Fraîcheur, tendresse, luminosité sans agressivité, merci à Patrick Méeüs pour ses lumières, tels semblent être les maîtres-mots qui guident les acteurs et responsables de cette production à la redoutable efficacité, qu’ils jouent, ou chantent, ou règlent, chacun à sa tâche.
À ce sujet, les interprétations des deux protagonistes principaux sont, à mon goût, fort bien menées. Nemorino n’est pas l’idiot du village mais plutôt le “bon bougre“ que tous aiment bien, fauché, qui ne sait pas lire, et qui est tombé amoureux, hélas, de la jolie fille du village, ayant du bien, et qui sait lire ! elle. Qui a donc quelques atouts en main, et peut avoir des prétentions, certaines…. On remarquera que dès le début, elle éconduit son amoureux transi, mais sans méchanceté aucune, se fâchera même de ne plus être courtisée un moment, et n’aura de cesse que de reconquérir, si besoin était, son Nemorino. La fin est alors plus facile à traduire.
Quant au prétendant, il est amoureux sans discontinuer, prêt à tout pour conquérir l’impossible, même au pire. Mais nous sommes en 1832, et pourquoi pas un élixir alors. Candeur, spontanéité, l’amour irraisonné transpire !on joue, on chante, l’émission est impeccable, le timbre est beau, le chant superbe, le bel canto à foison, art des nuances au maximum, toutes les interventions, tout au long, sont soignées : une prise de rôle de premier choix pour Kevin Amiel.
Vannina Santoni est une Adina toute juvénile, fine et pétillante, d’une justesse totale dans le chant et le geste, aigus d’une facilité presque déconcertante ! vocalises de la cabalette au rendez-vous, c’est la partenaire idéale, la complice rêvée car telle est l’impression qu’ils donnent au public, qui ne peut pas se tromper. On aura repéré les quelques interventions de son amie Giannetta, Céline Laborie : à suivre.
Et la Générale nous avait déjà mis l’eau à la bouche avec l’Adina plus capricieuse de Gabrielle Philipponet dont les qualités de chant et de jeu rejoignent celles de sa consœur dans ce “drame “ de l’amour à la campagne, si ce n’est dans le pré !!
Le rythme est là, pas de répit. Sesto Quatrini fouette les troupes. Et tout le monde suit, Chœurs compris. Plateau et fosse vont de concert, à l’extrême limite parfois mais la ligne n’est jamais franchie. Au Continuo, Bob Gonnella, n’est pas le dernier. C’est bien un Elisir d’amore jusqu’à l’ivresse. L’ivresse d’ailleurs procurée par cette bouteille de Bordeaux qui va modifier le cours du destin.
Marc Barrard est parfait dans le charlatan-clown-photographe Dulcamara, truculent à souhait, chantant sans vulgarité, jouant la comédie et non pas la pitrerie. Julien Véronèse n’est pas en reste non plus dans l’autre distribution. Le jeu reste léger, tout comme d’ailleurs le Belcore de Sergio Vitale. Drôle, il le faut, vulgaire, jamais. Même remarque pour Ilya Silchukov. On en profite pour louer la sobriété amusante et efficace du comédien Éric Afergan aux interventions parfaitement dosées.
Il reste trois dates pour vous mettre à jour.
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