« Peindre n’est pas un acte anodin, c’est un questionnement au monde, à l’humain, une nécessité aussi que j’ai ressenti très jeune. Je ne sais si on peut parler d’éthique, mais si des personnes se retrouvent face à ma peinture, c’est qu’elle existe, qu’elle questionne, qu’elle renvoie quelque chose. » D. Demozay. Le peintre est à la Galerie Jean-Paul Barrès – 1, Place Saintes Scarbes à Toulouse jusqu’au 14 mars 2020.
« Ne me comparez pas aux autres car, primo, vous ne me connaissez pas, et puis vous ne connaissez pas les autres. » Monsieur Teste – Paul Valery.
Devant les tableaux de Didier Demozay, la tentation peut être grande de ramener sa peinture à quelque chose que nous semblons connaître déjà, ou qu’il peut nous sembler connaître déjà, à lui trouver des ressemblances avec d’autres travaux d’une même école, mais quelle école ? , des affinités avec tel ou tel courant, et pour les plus malins, des remarques du genre : « J’ai déjà vu ça quelque part. » Mais, si vous dites au compositeur de la toile que sa peinture vous apparaît dans toute sa simplicité, gageons qu’il ne s’en plaindra absolument pas.
« Je ne cherche pas à traduire ou à exprimer quelque chose, non, j’essaie avec bien des difficultés de tendre vers un espace pictural qui se définit peu à peu mais qui reste toujours si difficile à atteindre. » D. Demozay
Il est vrai que les tableaux sont de taille diverse. La toile peut n’être occupée que par deux taches de peinture si l’on oublie le blanc, peint ! de la toile, peut être trois taches. Il paraît que dans ses premiers travaux, les taches étaient plus nombreuses et qu’il se rapprochait alors d’un certain Bram Van Velde. C’est terminé. Maintenant, c’est Mark Rothko qu’il fait savant d’évoquer en s’attardant sur les toiles qui ont pu suivre. Les résonances possibles avec, c’est terminé aussi. Foin du travail sur les rapports de couleurs, sur les tons, sur les nuances, plus le travail de “composition“, car D. Demozay ne recherche pas du tout ce fondu, cette harmonie entre les couleurs, et la recherche dans le raffinement des couleurs que l’américain se fait fort d’exprimer. Comme on est aussi, sur l’éventail de l’abstraction, à l’opposé du travail “au carré“ d’un Brice Maden ou d’un Ellsworth Kelly, pendant qu’un Hans Hofmann est bien trop démultiplié sur ses vieux jours.
L’artiste n’est pas un coloriste. Les couleurs associées ne sont pas nombreuses sur sa palette. Il aime tel orange et pas tous les oranges, il aime un vert, et pas tous les verts, etc…… Il aime le noir auquel il associe un rose. Et chaque tache de couleur donne l’impression d’être comme …nue !! Elle ne peut même pas s’aider de celle qui lui est associée, comme si elle ne lui apportait rien, et pourtant, les deux sont devenues inséparables, comme si elles étaient aimantées : il faut le faire. Faire simple, finalement, demande du temps.
Inutile d’avoir en poche Le petit guide du parfait amateur de peinture pour apprécier chacun des tableaux. Pas d’embûches, ni de problèmes à résoudre, pas de lexiques. Mais après, il y a le choix du tableau, de sa propre dimension, des emplacements des taches, de leur dimension, de leur application, la matière, qui est étalée d’un coup, sans repentirs, de la place du blanc, et du résultat de l’association. Et, mine de rien, on laisse couler un peu de peinture, oui ? non ? et je vais jusqu’au bord ? je déborde ? ou on n’y va pas ?
Quand la toile est terminée, l’œuvre n’est pas terminée. Attention, le tableau terminé n’est pas le digne successeur de tel ou tel. On n’est pas dans les séries même si, à tel moment, l’artiste peut être plus sensible à de grands formats ou tout le contraire, ou interrogé par des diptyques C’est une œuvre “unique“ qui, mine de rien, occupe toute sa place. À ce moment-là, Didier Demozay vous dirait qu’il a trouvé le rapport juste, que son tableau, l’horizontal ou le vertical, “tient“. Mais, auparavant, certaines modifications ont pu se manifester, plutôt des retouches, une forme que l’on agrandit ou réduit, sans pour autant cacher à tout prix la première impression, une masse sur laquelle on repasse une couche. Alors, le tableau est sauvé. Hélas pour certains, ils pourront être détruits. Le peintre a décidé qu’ils ne pouvaient être “montrables“. Cet exercice se fait pour chaque tableau amorcé, et non pas sur une brusque poussée de destruction massive. Et c’est ainsi que de tableau en tableau, le travail se poursuit dans son évolution, lentement, pendant que l’artiste doute toujours, en quête permanente d’un public réceptif à ses peintures, capable de manifester un intérêt renforcé pour son travail, la meilleure forme d’encouragement possible pour l’artiste discret “en diable“. Didier Demozay n’est pas Jeff Koons.
Galerie Jean-Paul Barrès
Facebook • Instagram
1 place Saintes Scarbes • Toulouse
Didier DEMOZAY
Exposition du 23 janvier au 14 mars 2020