Vanessa Springora publie Le consentement aux éditions Grasset. Récit glaçant d’une jeune fille manipulée par un prédateur.
V. vit avec sa mère. Son père est absent, puis carrément inexistant. Difficile pour la jeune fille de trouver une stabilité, un regard bienveillant qui saura la rassurer. Avec cela, s’ajoute les affres classiques de l’adolescence. La peur du regard des autres et surtout la sévérité de son propre regard. Bref, un tableau sombre qui constitue pour V. une existence morne, sans intérêt. Tout cela, c’était avant G. Avant que G. ne pose son regard sur elle. Une belle histoire qui commence ? Une revanche sur la vie qui sauverait V. de l’ennui ? Non, rien de tel. Car G. n’est autre qu’un écrivain célèbre, un quinquagénaire déjà connu pour son goût pour les jeunes personnes. Euphémisme qui sonne faux pour dire clairement, un pédophile. G. ne le voit pas ainsi, bien évidemment, il dit ne contraindre personne, aimer réellement les jeunes adolescents. Aimer être leur initiateur. V. ne fera pas exception. Il accorde à la jeune fille de 14 ans toute son attention, se rendant indispensable. G. connaît son rôle, sa partition par cœur. Une relation s’installe. V. admire cet homme et ne se doute pas du mal ou de l’étrangeté dont se revêt leur liaison. G. l’en a persuadé, leur histoire est belle, douce. D’ailleurs, la mère en découvrant la vérité ne fera pas de scandale. Alors, c’est qu’il n’y a rien de mal à cela, se persuade V.
Vivre par procuration
Bientôt la relation devient exclusive et nocive. G. est manipulateur, persécuteur, jaloux. V. doit lui appartenir. Il choisit ses lectures et lui dicte ses manières. V. obtempère, après tout, lui, l’écrivain célèbre, il doit savoir, il est érudit, se persuade-t-elle. Mais ce que l’adolescente ne sait pas encore, c’est que G. joue un double-jeu, d’amoureux transi et de prédateur. V. n’est pas unique, V. n’est pas la seule. Et elle le découvrira en lisant les journaux intimes de G., publiés et dégoûtants. G. y parle de son affection pour les petits garçons de 11 ou 12 ans, ou pour d’autres jeunes filles si semblables à V. Là, c’est le choc, le réveil brutal. V. est bel et bien la victime d’un manipulateur sans vergogne.
Ce roman est intense de la première à la dernière page. Il saisit par la pureté de l’enfance confronté à la vilenie d’un homme abject qui sait très bien ce qu’il fait. On comprend aisément que Vanessa Springora n’ait pu écrire ce roman que bien des années après les faits. Des faits qui souvent sont amoindris ou détournés. Il fallait beaucoup de courage pour rendre public ces mots mais « écrire, c’était redevenir le sujet de ma propre histoire », avoue l’auteur avec justesse.
Vanessa Springora, Le consentement, Grasset, 216 p.
Photo : Vanessa Springora © JF PAGA