Philippe Delerm a l’art de la formule, ça le sauve d’à peu près tout, le titre fait sens et effet sur la première de couverture et les premières pages donnent allègrement le ton : « L’Extase du Selfie et autres gestes qui nous disent ». Un ton ravissant en effet. On aime le lire comme on lit un poème à un amoureux ébaubi. Il décrypte nos gestes à nous, à vous, les gestes fabriqués par une époque qui en disent long sur l’époque elle-même et sur les individus qui évoluent dans ladite époque. Il est juste. Toujours. Sociologue de l’intime, il rédige en vapotant les polaroïds littéraires qui font que Delerm et Delerm, et le reste on s’en fout …
Si vous refusez de lire notre poète-essayiste-sociologue français parce qu’il donne toujours à lire des bons sentiments et une vie rose comme un sachet de fraises tagada , ravisez-vous. Ces nouveaux micro-récits sont doux-amers, moqueurs et même acides parfois. L’époque est impitoyable. Même Philippe Delerm a le « seum », c’est pour dire !
Si tous les gestes Delermiens ne nous parlent pas forcément de nous, ils ont le mérite de nous toucher, de nous mettre mal à l’aise ou en colère, de nous faire réagir en tous cas. Les gestes minuscules empêchent l’apathie des sens.
- le selfie, geste roi de nos vies modernes
- le » vapotage » qui relègue l’art de fumer à un plaisir furtif, presque honteux
- ce verre qu’on tient à la main sans le boire…
- l’art d’éplucher d’une seule main la clémentine dans un train ou ailleurs
- les orgasmes publics de gourmandise face à une mousse au chocolat
Tout le monde le dit mais c’est bien vrai, lire du Delerm c’est retrouver de ce moi enfoui qui ressentait quelque chose à chaque geste empreint de plaisir inédit ou nostalgique. Devenir / Redevenir un poète ou un adolescent. Prendre le temps. Instagrammer la vie avec des jolis mots qui coulent et se rassemblent pour créer la magie d’un moment, « instantanés littéraires », à lire dans sa tête ou à voix haute pour partager avec ceux qui l’aiment la délicieuse langue française …