Joker, un film de Todd Phillips
Porté par un Joaquin Phoenix sur ses sommets, le dernier et étonnant opus de ce cinéaste est un véritable choc. Déjà Lion d’Or à Venise. Et ce n’est certainement pas fini !
Comment le réalisateur des trois Very Bad Trip, pas vraiment des chefs-d’œuvre d’introspection métaphysique, se retrouve aujourd’hui à la Une de la presse, qu’elle soit spécialisée ou généraliste ? Tout simplement parce qu’il vient de nous livrer un film stupéfiant, auquel à vrai dire on ne s’attendait pas sous sa signature.
Il met ainsi les pieds dans l’univers DC Comics et plus particulièrement dans celui de son super-héros Batman. Mais il le fait au travers d’un personnage récurrent des aventures de l’Homme chauve-souris, son ennemi juré, le Joker. Interprété dans le passé, et de quelle manière, par des comédiens tels que Jack Nicholson et le regretté Heath Ledger, ce personnage incarne le mal absolu, dont l’ambition permanente est de provoquer le chaos dans Gotham City. Le scénario du film sous rubrique nous parle de la naissance de ce personnage, de sa carrière inaboutie de stand-uper, de son métier de clown annonçant de bonnes affaires dans la rue, de la naissance du monstre qu’il va devenir, tout en s’occupant du mieux possible d’une mère malade. On voit bien là tout le potentiel qu’offre ce rôle pour un comédien surdoué. Encore fallait-il le trouver. Un comédien au physique squelettique (Joaquin Phoenix a perdu 25 kg), un acteur capable d’incarner les multiples facettes d’un homme terriblement complexe. C’est Joaquin Phoenix. Sous la direction méticuleuse de Todd Phillips, il va évoluer vers le vice absolu avec une virtuosité stupéfiante. Un regard, un geste, un silence vont suffirent à nous faire pressentir l’inéluctable.
De très grand art qu’il serait stupéfiant de ne pas voir récompensé aux prochains Oscars. Point de Batman ici, si ce n’est lors d’une scène magistrale où le Joker va rencontrer le tout jeune Bruce Wayne. Personnage humilié en permanence, maltraité par son employeur comme par les petites frappes de Gotham City, ridiculisé par un animateur de talk-show (Robert de Niro, exemplaire), Arthur Fleck va se transformer en nihiliste forcené, un Joker ralliant à sa suite tous les perdus, les laissés-pour-compte de Gotham City. Loin d’être un blockbuster, avec le superficiel que cela sous-entend, ce film est une véritable œuvre d’auteur. Des plans somptueux, un montage d’une rare intelligence et une BO magistrale achèvent de nous convaincre. Ce film est bien l’ouvrage d’un grand cinéaste inspiré. Percutant, violent, ancré dans des problématiques hélas bien actuelles, le Joker de Todd Phillips pourrait bien être un véritable électrochoc salutaire dans le monde du comic. Et la pierre angulaire dans la carrière de Joaquin Phoenix.
Joker – Réalisation : Todd Phoenix – Avec : Joaquin Phoenix, Robert De Niro…
Joaquin Phoenix – Pas d’Oscar…pour l’instant
Fils de cueilleurs de fruits itinérants, Joaquin parcourt les USA à bord d’une caravane avec ses frères et sa sœur. Cette vie nomade ne va pas l’empêcher de tourner dans un premier long métrage en 1987. Il a tout juste 13 ans ! C’est le début d’une éblouissante carrière dans laquelle il ne côtoie rien moins que Gus Van Sant, Oliver Stone, James Grey et Ridley Scott. Entre autres. Multi-récompensé, il n’a jamais décroché d’Oscar malgré plusieurs nominations. Cette fois la statuette a peu de chances de lui échapper. Et ce sera parfaitement légitime.