C’est toujours au 1, Place Saintes-Scarbes à Toulouse que l’événement se passe. En terres conquises, Serge Fauchier accroche aux cimaises ses derniers travaux. L’expo qui s’intitule « Dans la couleur » est présente jusqu’au 9 novembre.
Rappelons que le peintre est loin d’être un inconnu dans le petit monde des amateurs d’art contemporain de la région puisque l’artiste s’est vu exposé, personnellement, dès 1988 par Jacques Girard dans sa Galerie de la rue des Blanchers, galeriste bien connu, et reconnu, et depuis disparu. Un galeriste qui n’aura eu de cesse de défendre son travail et l’exposera à plusieurs reprises, flambeau que Jean-Paul Barrès semble reprendre dans sa galerie avec toute la ténacité et l’enthousiasme nécessaires.
Concernant le travail de Serge Fauchier, il continue sur sa lancée, peignant ce qui lui plaît et comme il le ressent, sur toiles libres grand format, ou toiles tendues sur châssis. Il nous met d’ailleurs à l’aise et évite à tous ceux qui voudraient se lancer dans des interprétations tirées par la crinière à l’aide d’élucubrations aussi bien hasardeuses que vaseuses : « Pour le travail pictural que je poursuis, je ne fait appel à aucune référence figurative de quelque nature que ce soit, naturaliste ou géométrique. C’est un travail de réflexion et de pratique sur les possibilités mêmes de la peinture, en dehors de tous les clichés auxquels cette dernière est bien souvent ramenée. » Ce qui paraît primordial, ce sont bien les sensations visuelles, l’étonnement même créé par l’emploi de telle couleur associée avec d’autres, celle du support lui-même, et créant l’inattendu.
Serge Fauchier nous dit : « Cette expo, est placée sous le signe de l’excès et de la mesure », à savoir : « Je mène deux formes de travail, l’une avec les bandeaux de couleurs, pleins ou évidés, en traversée des toiles, l’autre avec d’approximatifs rectangles aux teintes saturées et arrangées à l’intérieur d’une surface. Ces deux modes d’organisation, excédant les limites du support ou à sa mesure, semblent contradictoires, sauf à considérer la qualité des blancs qu’ils réservent et qui s’avère de même nature. Le blanc glisse sans distinction d’une toile “ouverte“ à l’autre “fermée“, démontrant qu’au-delà du partage, il s’agit bien du même espace traité en deux formes différentes et devenant complémentaires. »
Mais encore : « J’ai le sentiment d’avoir toujours peint des commencements » nous livre l’artiste. A chacun, l’interprétation de cette idée mais ce n’est pas ici que l’on va se livrer à une grande analyse du contenu de chaque support. Libre à tout regard de s’interroger sur ce que l’auteur appelle, par exemple, « ces tracés interrompus avant les bords, des segments indéfinis : l’échevelé de leurs extrémités qui avance l’hypothèse de leurs prolongements. » ou encore : « Je pose mes couleurs jusqu’à ce que leur organisation me convienne. Dès lors, la peinture pourrait être terminée, mais j’attends toujours que la couleur me surprenne, déborde mes desseins (on a bien dit desseins et non dessins), et ce n’est qu’au moment de ce débordement qu’un deuxième temps du travail s’enclenche où mes règles et mes ordres défaillent. »
Quelques mots peut-être sur la technique si on veut bien employer le terme : « Dans les peintures de “fractures“, les forts contrastes de tons s’opposent et se heurtent à susciter l’impression d’une implosion de la surface, tandis qu’avec les bandeaux, peints sur de vastes toiles libres, il s’agit davantage de la poursuite d’une expansion lente des couleurs dans l’étendue ; leurs matières colorantes sont frottées sur le support, étirées jusqu’aux limites.
Sur les formes : « Les rubans de couleurs se dévident ou se scindent. » » Et ces bandeaux sont bien une forme préférentielle du peintre qui fait son originalité comme l’arrondie et l’angulaire le furent pour un Serge Poliakoff. Sans qu’en aucune façon, leur répétition devienne monotonie ou pauvreté. On remarquera alors comment, posées les unes près des autres, ces toiles engendrent comme une polyphonie. Formes simples, c’est sûr, et éventail des couleurs surprenant dans lequel on a même du vert, cette couleur honnie par les peintres abstraits, car trop naturaliste ! Tout cela nous donne des œuvres silencieuses, loin des œuvres bavardes, tapageuses, à la limite hurlantes !! même chez les abstraits. L’un d’entre eux, n’a-t-il pas affirmé qu’un tableau réussi était un tableau silencieux ? Et qu’il aimait ainsi faire vibrer le silence ?
Et là, on se doit de citer ces quelques lignes très simplement explicatives, et ainsi, très éclairantes : « Je cherche un tracé ou une forme qui soit ni trop engageante, ni trop dégageante. Sans doute que l’on pourrait toujours se demander d’où elles viennent. De quels tréfonds de la mémoire, elles sont les traces ou les symptômes. Mais cette interprétation ne m’importe pas. Même si je peux retrouver des éléments visuels antérieurs (charpentes ou lettrage) ce qui compte est d’arriver au minimum de signification possible. Je refuse à l’inverse ce qui serait de l’ordre du hasard, comme dans la tache. La peinture, par ses formes, montre sa propre voie et je l’y accompagne. La distance est mince entre un trop vouloir qui ne pourrait qu’aboutir à un singulier qui s’affiche et un trop peu vouloir qui laisserait le processus dicter ses formes et son résultat. Je ne veux montrer ni une qualité de couleur ni une qualité de forme: simplement de la peinture, une possibilité de peinture. Cela exige de ma part un niveau d’engagement important et un niveau de désengagement égal. »
Galerie Jean-Paul Barrès
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1 place Saintes Scarbes • Toulouse
Serge Fauchier • Peintures récentes
Exposition jusqu’au 09 novembre 2019