Quelle différence de présentation du jeune pianiste à son public toulousain entre son dernier concert à la Halle aux Grains en novembre 2018, dans les concertos de Bach pour plusieurs claviers et ce soir … dans ce récital solo aux Jacobins. Si la joie et l’enthousiasme dominaient sa dernière apparition, ce soir dans le Cloître des Jacobins, c’est un homme sombre et tendu qui se met au clavier. Le choix du programme a dû avoir son importance car les trois partitions de Mozart qui ouvrent le programme sont très particulières. Toutes trois font partie des dernières pièces écrites par Mozart pour son cher piano et si il est acquis que Mozart n’est pas vu comme un compositeur révolutionnaire, ce rondo en la mineur et surtout cette fantaisie en do mineur dans leur isolement sont des œuvres éminemment personnelles déjà par leurs tonalités mineures mais aussi dans leur forme.
David Fray chantre du Sturm und Drang
Et la Sonate n°14 contemporaine de la Fantaisie n’est pas si classique tant elle est traversée par une mélancolie profonde. David Fray en musicien sensible semble gagné par une inquiétude que son jeu magnifie. La Fantaisie est plus ombreuse que lumineuse et la Sonate se garde bien de paraître aimable. Le tragique est tapis dans l’ombre même lorsque la lumière luit. Les graves sont nobles et profonds et le chant se fait très sensible et douloureux par moments. Un peu de dureté se perçoit dans certains accords surtout dans le final de la sonate, tant le tragique domine cette interprétation. En Deuxième partie de programme le Rondo de Mozart est également rempli de drame mais devient plus aimable. Le Mozart de David Fray, celui de ces œuvres là, est donc grave, inquiet et très mélancolique. Comme si le Sturm und Drang avait pris une place centrale. Bien que ce mouvement littéraire n’ai pas duré bien longtemps, la musique si profonde de Mozart en est l’exemple musical le plus probant. D’autres diraient que cette musique est pré-beethovénienne… Je trouve cela trop réducteur pour chacun des deux génies. La Sonate n°16 de Schubert est plus équilibrée entre joie et peines. Elle permet davantage de surprises au détours des changements de tonalités. David Fray qui aime tant Schubert, sait le jouer avec cette liberté du promeneur qui se laisse séduire par le paysage, oubliant sa solitude humaine fondamentale. Voici donc un début de concert très sombre qui évolue vers davantage de lumière. Le public très aimant lui fait un vrai triomphe et dans les 3 bis David Fray se (et nous) réconforte avec du Bach qui semble lui apporter paix et joie. Trois œuvres sublimes apportant la sérénité et rendant le sourire au pianiste.
Compte-rendu concert. Toulouse. 40ème Festival Piano aux Jacobins. Cloître des Jacobins, le 19 septembre 2019. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Fantaisie en do mineur KV.475 ; Sonate pour piano n°14 en do mineur KV.457 ; Rondo en la mineur K.511 ; Frantz Schubert (1797-1828) : Sonate pour piano n°16 en la mineur D.845. David Fray, piano. Photo : David