Sous l’impulsion de son Directeur artistique, Christophe Ghristi, l’un des trésors du Patrimoine culturel toulousain est reparti à l’assaut et affiche de multiples rendez-vous. On y chante, on y joue, on y danse, c’est un creuset permanent, du spectacle VIVANT. Il suffit de consulter la brochure pour en avoir déjà un aperçu convaincant.
Dans une ville qui croît sans cesse au milieu de tant d’autres, donnant un ensemble métropolitain dépassant le million d’habitants, voilà un Théâtre qui est à sa place, et la revendique. Il en est ainsi d’une ville largement ouverte aux cultures diverses et une institution nous invitant à réfléchir sur les formes passées permettant de mieux intégrer les nouvelles. Un théâtre dans lequel se côtoient des centaines de personnes aux tâches si diverses qui convergent toutes vers un seul et même objectif : donner à voir et à entendre au plus grand nombre les chefs-d’œuvre de notre patrimoine lyrique et chorégraphique sans oublier les créations contemporaines. Un seul mot pourrait être rajouté au fronton du monument, c’est celui d’excellence.
Sur la couverture de la brochure, on lit : Opéra, Ballet, Concert et Jeune Public.
Non, il ne faut pas attendre d’avoir des cheveux blancs pour devenir un habitué du Théâtre du Capitole. En effet, Rencontres et Conférences sont des moments ouverts à tous, de même que les Démonstrations du Ballet du Capitole, ou les Actions accueillant élèves et professeurs, ou les Ateliers participatifs, sans parler des tarifs appropriés. Il suffit d’être curieux et intéressé pour se rendre compte de la très grande chance que nous avons de posséder, en pleine ville, un tel établissement culturel ouvert à tous.
Une rubrique qui s’étoffe grandement, c’est bien celle des récitals et concerts, dont six récitals donnés par six grands chanteurs d’aujourd’hui, TOUS à citer : Soile Isokoski, Ludovic Tézier, Jessica Pratt, Annick Massis, Elsa Dreisig, Michaël Spyres.
Michel Plasson est de retour avec son Académie internationale de musique française tandis que les Chœurs toujours sous la férule d’Alfonso Caiani ne failliront pas pour un Concert de Noël et qu’une création mondiale vous attend avec Catherine Hunold, la phénoménale Ariane de l’Ariane à Naxos. À 12h 30, c’est toujours six rendez-vous pour les incontournables Midis du Capitole, un cadeau à 5€ pour une heure de récital donné par des artistes lyriques confirmés. Une création originale pour petits et grands avec La Péniche Offenbach qui célèbre le compositeur par un spectacle lyrique itinérant tout au long du Canal du Midi, de une heure environ.
Enfin, notre Ensemble de cuivres anciens de Toulouse, Les Sacqueboutiers qui nous propose trois concerts, Voyage à travers les musiques populaires et savantes de la Renaissance. Il faut réserver.
Approchons-nous des ballets et de la huitième saison ici même de son Directeur artistique Kader Belarbi. Cinq moments au programme dont pour commencer, en hommage au fascinant Serge Lifar, digne successeur dans les légendes d’un certain Nijinski, Joyaux français avec deux œuvres du chorégraphe, Suite en blanc et Les Mirages, accompagnées par l’Orchestre du Capitole. Toujours avec orchestre, un Casse-Noisette pour la fin d’année sur une enthousiasmante chorégraphie et mise en scène de Kader Belarbi, spectacle donné il y a peu. Au Théâtre encore, une création mondiale intitulé Toulouse-Lautrec, chorégraphie, mise en scène et livret de Kader Belarbi. Le spectacle À nos amours, déjà au répertoire, migre au Quai des Savoirs pour un spectacle gratuit donné sur trois dates, sur réservation. La saison se termine au Théâtre Garonne avec Afrique(s) dans le cadre d’Africa 20, une création de la chorégraphe Bouchra Ouizguen précédée de celle, mondiale, L’Au-delà, de là du chorégraphe burkinabé Salia Sanou.
Mais ce n’est pas tout pour la troupe de ballet car voilà nos danseurs qui créent l’événement en apparaissant dans un opéra-ballet bouffon en trois actes de Jean-Philippe Rameau, le truculent, drôle et cruel Platée. Une chorégraphie réglée par Kader Belarbi, au pupitre Hervé Niquet avec son Orchestre et le Chœur du Concert Spirituel, et à la mise en scène, le duo inénarrable Shirley et Dino, qui se charge aussi des costumes !! On ne devrait pas pleurer au début du printemps prochain. C’est une coproduction avec ni plus ni moins que l’Opéra royal de Versailles.
Une création mondiale du compositeur Marc Bleuse, mais qui aura lieu à l’Auditorium Saint-Pierre des Cuisines, sur seulement deux dates, L’annonce faite à Marie dont le livret est écrit par Jean-François Gardeil à partir d’un texte pour le théâtre de Paul Claudel. C’est le chef Pierre Bleuse qui dirige Les Sacqueboutiers, le Quatuor Béla et le Chœur Antiphona. C’est un opéra en quatre actes et prologue de deux heures.
Peu de temps après, nous plongerons dans les fondations de l’opéra, avec l’opéra de Claudio Monteverdi, L’Orfeo. Nous sommes en 1607 : l’opéra est né. Avec son ensemble I Gemelli, Emiliano Gonzalez Toro, ténor et grand spécialiste du répertoire vocal du XVIIè siècle, nous proposent une relecture mise en espace de ce chef-d’œuvre fondateur de l’histoire de l’art lyrique. C’est sur une durée de deux heures et deux représentations seulement.
La saison démarre avec Bellini et son opéra-phare : Norma. Vincenzo Bellini, celui qui a dit : « l’opéra doit faire pleurer, trembler et mourir le public ». Norma, créé en 1831, une œuvre rarement donnée au Capitole et pour causes. Le chef-d’œuvre absolu du bel canto est exigeant. Elle subit un purgatoire d’une quarantaine d’années après une dernière production au Capitole se signalant par l’indigence d’une mise en scène qui se voulait avant-gardiste mais qui fut surtout grotesque. Il faut, disons, quatre voix. On en aura huit puisque la production s’appuie sur deux distributions. On ne citera que les deux Norma, en alternance, Marina Rebeka et Klára Kolonits. Si, j’ajouterai François Almuzara, notre ténor toulousain qui chante Flavio. On a le droit d’être un peu chauvin !! Cette nouvelle production est dirigée par le chef Giampaolo Bisanti, chef qui fait partie de cette nouvelle vague de chefs italiens qui se couvrent de louanges. Bien sûr, tout “aficionado“ d’opéra qui se respecte ne peut rater une Norma.
Autre nouvelle production, et clou de la saison, nécessitant toutes les forces vives du Théâtre, c’est bien sûr, Parsifal. Est-il utile de préciser, de Richard Wagner ? Créé à Bayreuth en 1882, ce monument de 4h 30 de musique plus entractes, fit l’affiche il y a trente-deux ans mais à la Halle aux Grains, et sur la scène du Théâtre, il faut remonter d’un demi-siècle. Impossible ici de vous détailler la distribution, conséquente cela va de soi, mais on relève, dans le rôle de Parsifal, le ténor Nikolai Schukoff qui nous avait fait grande impression dans Pedro de Tiefland, Sophie Koch qu’on ne présente plus, elle ne m’en voudra pas, dans Kundry, Matthias Goerne qui chante Amfortas, enfin à Toulouse dans un opéra. À la mise en scène, un véritable défi, notre cher directeur va s’appuyer sur les talents multiples d’Aurélien Bory qui avait pu nous séduire dans sa mise en scène du Château de Barbe-Bleue et du Prisonnier. Sera au pupitre sur une durée de spectacle totale de 5h 30, Frank Beermann, un grand habitué dans la direction des opéras du compositeur allemand. La masse chorale toulousaine, Chœur et Maîtrise, sera gonflée des effectifs du Chœur de l’Opéra national de Montpellier-Occitanie.
Enfin, dernière nouvelle production pour clore la saison, Mefistofele d’Arrigo Boïto, opéra baptisé à juste titre de Faust italien. L’unique opéra achevé de son compositeur fut créé à la Scala de Milan en 1868, puis profondément remanié sept ans plus tard. Là, on doit remonter 75 ans en arrière pour retrouver l’œuvre à l’affiche, en italien, mais nous sommes en pleine guerre, 1944. Ceux qui ont pu voir cette production aux Chorégies d’Orange l’an passé n’ignorent pas son succès, et le pari gagné de son metteur en scène Jean-Louis Grinda. Les costumes de Buki Shiff ont été déclarés comme d’admirables réussites. Le Faust de Jean-François Borras fut qualifié d’idéal. Béatrice Uria-Monzon est Elena. Mais, à Orange, elle fut en même temps Margherita par forfait de l’artiste prévue, qui sera ici, Chiara Isotton, une révélation. Enfin, sur notre scène, dans un rôle taillé pour lui, et sa voix, la basse Nicolas Courjal, pour chanter et “dire“ le personnage aussi “henaurme“ de Mefistofele. Dans Marta, Marie-Ange Todorovitch : elle fut excellente à Orange, il en sera de même à Toulouse. La production est menée par Francesco Angelico, autre valeur sûre de cette nouvelle vague de chefs italiens talentueux.
Pour apaiser le poste finances, la saison se complète de trois productions dont deux ont déjà fait la gloire de la maison et qui peuvent être reprises sans hésitation aucune. Ce sera fin novembre Le Dialogue des Carmélites de Francis Poulenc, puis fin février l’Élixir d’amour de Gaetano Donizetti et en mai Jenufa de Leos Janáček. Le premier d’entre eux, un opéra en trois actes, fut créé en version originale à Paris le 26 janvier 1956. La création toulousaine date d’avril 1970 et fut fort bien accueillie par un public plutôt clairsemé. Ce chef-d’œuvre bouleversant de l’esprit français fut donné à la Halle aux Grains dans une production de Nicolas Joël puis repris. Pour cette nouvelle saison, c’est une production de 2013, venant du Théâtre des Champs-Élysées, dans une mise en scène du formidable homme de théâtre qu’est Olivier Py, ouvrage dirigé par Jean-François Verdier, le chef actuel dans Werther. Dans la distribution vocale on ne rencontre pratiquement que des artistes que l’on a applaudis sur cette même scène. Ce qui nous rassure en même temps sur la prononciation attendue du français. Pour ne donner qu’un nom, Janina Bachle dans le rôle éreintant de la première Prieure, Madame de Croissy.
Un peu de légèreté avec un opéra qui est à son compositeur ce qu’est Le Barbier à Rossini, un opéra que je qualifierais de rafraîchissant, cet Élixir, créé en 1832 en plein bel canto, dont la production de 2001 du tout jeune alors Arnaud Bernard fit le bonheur d’une reprise et ne pourra, à nouveau, qu’assurer un écrin plus que favorable à deux distributions vocales en alternance, aussi bien pour l’amoureux peu téméraire Nemorino que pour la petite chipie guère méchante d’Adina, tout comme l’officier pas très futé de Belcore et le marchand ambulant charlatan de Dulcamara. “Una furtiva lacrima“, mais qui peut ignorer une aria pareille pour ténor ? C’est encore un jeune chef italien Sesto Quatrini qui défendra ce pur bijou de finesse et de poésie.
Moins “rigolo“ le mois de mai, mais tout aussi captivant avec l’opéra le plus connu du tchèque de Moravie, Jenufa de Leos Janáček, ce cheminement solidaire de la disgrâce et de la grâce. Une œuvre dure mais d’une grande émotion reposant sur un drame familial, un infanticide, qui doit vous inciter à lire le résumé du livret auparavant. Il faut tout savoir sur La Sacristine, chantée par Angela Denoke, l’héroïne de Katia Kabanova sur cette même scène il y a quelques années, mais aussi sur Laca chanté par Marius Brenciu, le Lenski d’un certain Eugène Onéguine avec Ludovic Tézier, et Marie-Adeline Henry dans Jenufa, …Florian Krumpöck dirige. Une mise en scène de Nicolas Joël, sans concession, aidé de son trio favori aux décors et costumes et lumières, j’ai nommé Ezio Frigerio, Franca Squarciapino et Vinicio Cheli.
Une saison qui va vous secouer et qui devrait drainer vers les ors « capitolesques » et les velours et décors « capitolins » tous ceux pour qui l’art du bel canto mais aussi le chant lyrique tout court signifient quelque chose, en LIVE bien sûr, du SPECTACLE VIVANT, du VRAI. De l’Orfeo à L’annonce faite à Marie, par la dynamique insufflée par son Directeur artistique, le Théâtre du Capitole prouve qu’il n’abandonne rien des fondamentaux de l’art lyrique qui, au fil des ans, ont bâti sa réputation internationale, justifiant la présence sur scène d’artistes de premier plan, tout en apportant la preuve, encore une fois que l’opéra est bien un art en mouvement constant, un art du risque aux multiples facettes, un art vivant. Une preuve de plus avec le 52è Concours International de Chant de la Ville de Toulouse qui ouvre la saison avec une finale le 7 septembre, sous la houlette d’un jury prestigieux présidé par Béatrice Uria-Monzon et des candidats accompagnés par l’Orchestre du Capitole dirigé par un jeune chef français Pierre Dumoussaud, au talent très prometteur.
Billetterie en Ligne du Théâtre du Capitole
Théâtre du Capitole
Saison 2019 / 2020 • Toulouse
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