En apparence rien que de l’habituel avec ce concert d’abonnement. En fait au même moment, l’Orchestre du Capitole est également dans la fosse de l’Opéra pour l’extraordinaire Ariane et Barbe Bleue de Dukas dont nous avons rendu compte dans ces colonnes. Ainsi le projet d’agrandir l’orchestre est advenu permettant cette offre généreuse au public de la ville rose.
Quelle puissance musicale à Toulouse !
Deux magnifiques orchestres en un. De son côté, Tugan Sokhiev a dirigé un véritable marathon le mois dernier avec l’orchestre du Bolchoï et avec le succès que l’on sait. Les retrouvailles à Toulouse ont été absolues, naturelles et faites de la fusion musicale que nous connaissons entre le chef et l’orchestre dans leurs meilleurs moments. A présent, Chostakovitch est un compositeur que l’orchestre connaît bien et dans lequel il excelle. La symphonie n°6 a été un moment de pure merveille, le chef semblant obtenir tout ce qui est possible de son orchestre. Tout a semblé évident et facile et nous avons été entraîné dans cet univers si riche et émouvant comme par enchantement.
Chostakovitch vivait une période difficile et troublée avec sa nation. Victime de critiques et de menaces de mort, il a cherché une sorte d’apaisement avec cette Symphonie. Apaisement très relatif à bien y regarder. La Symphonie en trois mouvements est construite en un immense crescendo, accelerando aux allures faciles parfois même simplistes. Tugan Sokhiev a interprété avec finesse, laissant entendre tout ce que le sous texte a de grotesque et de violemment moqueur. Le final virtuose semblant presque une course à l’abîme. Le piccolo a tout particulièrement participé à ce mélange de tendresse et de moquerie.
Les solistes de l’orchestre ont tous été magnifiques et ont longuement été applaudis. Le public sait apprécier la musique de Chostakovitch, y prend un grand plaisir. Voilà un bonheur que nous devons à Tugan Sokhiev et à l’énergie que l’orchestre du Capitole sait déployer avec la même générosité que le chef.
En première partie une création mondiale de Benjamin Attahir a tenu de l’événement riche en promesses. Benjamin Attahir connaît bien l’orchestre et la ville rose. Il a composé une vaste pièce très belle et permettant de très intéressants moments solistes comme des riches moments rythmiques. Des couleurs originales ont irisé l’orchestre. Deux solistes ont été invités par le compositeur. Le violoniste Renaud Capucon qui connaît bien l’orchestre et participe souvent à ses tournées, a bénéficié d’une partie complexe dont il s’est tiré avec panache et une fine musicalité. Le cas de la soprano Raquel Camarihna est différent. Sa voix peu sonore et peu capable ce soir d’harmoniques, a été confidentielle dans la vaste Halle-aux-Grains. L’écriture dans le médium ne l’a pas favorisée. Le plus grand élément de déception est venu de sa diction inaudible même dans le final empli de la plus délicate poésie avec un solo diaphane de Capuçon. La longueur de la pièce et sa beauté gagneront à être confiées à une voix plus large et une véritable diseuse sinon une tragédienne, réellement capable de communiquer la beauté du texte, car elle a juste été suggérée ce soir. Entre les Nuits d’été, le poème de l’amour et de la mer et surtout Shéhérazade, cette « Je/Suis /Ju/Dith » pourra alors trouver la place qui lui revient. Quoi qu’il en soit ce concert a été particulièrement prestigieux ce soir. Et ravi, le public, a semblé en prendre toute la mesure.
Compte- Rendu concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 12 Avril 2019. Benjamin Attahir (né en 1989) : Je/Suis/Ju/ Dith – Un grain de figue, séquence 2 sur un thème de Lancelot Hamelin pour soprano, violon et orchestre. Création mondiale. Dimitri Chostakovitch ( 1906-1975) : Symphonie n°6 en si mineur op. 54. Raquel Camarinha, soprano ; Renaud Capuçon, violon ; Orchestre National du Capitole de Toulouse. Tugan Sokhiev, direction.