Alain-Fabien Delon publie De la race des seigneurs chez Stock. Un texte réussi qui raconte la difficulté d’être le fils d’un père célèbre.
Pas facile d’être le fils d’une star, pire d’un mythe. Alain-Fabien Delon le sait. Son personnage – ou alter ego – partage le même dilemme. Celui de devoir exister sur les traces d’un homme imposant et incarnant le cinéma français. De surcroît, le fiston a le même prénom et se lance dans le même métier. Car Alex Delval est pressenti pour jouer un rôle. Mais il hésite. Arrivera-t-il à rivaliser avec celui qui écrase tout ?
Alex se ballade avec un ami comédien. Ils viennent de passer une dernière audition. Ils sont ivres, insouciants et agités. Au détour d’une phrase « ça te fait quoi de penser que si t’étais pas le ‘fils de’, t’aurais pas été appelé pour ce casting ? », Alex pète les plombs et braque une arme sur son copain. Cela le fait marrer alors que l’autre panique.
Alex se réveille, il fait encore nuit, il est allongé chez un inconnu qui a surpris la scène et l’a ramené le chez lui après qu’il se soit évanoui. Alex recolle les morceaux et commence à se rappeler de l’audition, de l’euphorie, puis de sa violence. L’inconnu ne lui demande rien, ne le juge pas, il ne réagit même pas lorsque le jeune homme lui dit que son père est Alexandre Delval. Alors Alex se détend et commence à parler. De lui mais surtout de son père. Un père absent et pourtant omniprésent. Un père qu’on voudrait aimer mais qui déçoit terriblement. Qui préfère la compagnie de ses animaux plus que celle de son fils. L’inconnu opine, écoute, pose des questions.
Tuer le père
Au fil de cette discussion – ou monologue – Alex évoque les souffrances de l’enfance. Des parents qui s’aimaient puis qui se déchirent. Le père est colérique, violent, inconstant. Ensuite, c’est la mère qui part à Rome et voilà Alex balloté, oublié, abandonné, alors il fait des conneries, il se drogue, il brûle la chandelle par les deux bouts jusqu’à ce qu’un accident le terrasse. Une soirée un peu trop festive dans l’appartement du père, une arme qui traîne et tout dérape. Le meilleur ami d’Alex est blessé. Alex raconte la peur, la honte, la culpabilité. La solitude aussi de n’avoir personne sur qui compter, parents y compris.
A mesure qu’Alex parle, c’est la figure du père qui se désagrège. Il veut enfin vivre sa vie, ne plus se soucier de ce qu’il pensera ou dira. La question est de savoir s’il y arrivera. Tout au long du texte, il est difficile de ne pas penser à la relation entre Delon père et fils. Les épisodes paraissent autobiographiques, vécus, ressentis. Mais qu’importe, il n’empêche que ce texte est nerveux, sincère et sans rancœur. Il en ressort une volonté de trouver la paix. Chose peut-être actée avec ce premier roman qui a déjà beaucoup fait parler de lui.
Alain-Fabien Delon, De la race des seigneurs, Stock, 252 p.
Photo : Alain-Fabien Delon © Astrid di Crollalanza