Le nouveau roman d’Atiq Rahimi, Les porteurs d’eau, publiés chez P.O.L, retrace le destin de deux hommes qui ont le désir d’exister.
En quatrième de couverture du dernier roman d’Atiq Rahimi les faits sont là, « 11 mars 2001 : les Talibans détruisent les deux Bouddhas de Bâmiyân, en Afghanistan ». C’est aussi l’incipit de ce texte qui croise le destin de deux hommes. D’un côté Tamin, ou plutôt Tom, qui a francisé son nom. Il vit en France avec sa femme Rina et sa fille Lola. Mais Tom n’est pas heureux, il se sent étriqué dans sa petite vie d’exilé. Un matin, il prend une grave décision. Il part direction Amsterdam. Officiellement pour le travail. Officieusement c’est pour retrouver sa maîtresse, Nuria. Nuria c’est la jeunesse, la curiosité, le mystère aussi. Il ne sait pas grand-chose de la jeune femme. Mais pour Tamim elle représente la liberté, de nouvelles possibilités. De l’autre côté, en Afghanistan, vit Yüsef. Personnage sensible et dévoué. Yüsef est porteur d’eau. Celui qui doit abreuver les fidèles de la mosquée de Kaboul. Yüsef vit dans la terreur des talibans et dans la souffrance du poids de son outre qu’il doit charger à longueur de journée. Heureusement, Yüsef peut compter sur son ami fidèle, Lâla Bahâri. Un épicier converti au bouddhisme qui lui donne des leçons sur l’amour et le désir. Car Yüsef a un problème. Il n’arrive pas à contrôler ses pulsions depuis que Shirine vit avec lui. Selon la loi, Shirine, sa belle-sœur, lui appartient puisque son frère a disparu. Mais voilà Yüsef ne sait que faire, il est intimidé, il ne sait rien de l’amour, car c’est ce sentiment nouveau qu’il découvre au fil des pages.
Le désir de vie, de liberté
Les histoires de Tom et de Yüsef ne sont pas très différentes. Les deux afghans se sentent prisonnier de leur identité, de leur histoire, de leur vie même. Ils cherchent des réponses sur l’amour aussi. Comment vivre l’exil ? Comment vivre le sentiment amoureux ? Celui qui né et celui que meurt ? Atiq Rahimi pose de nombreuses questions dans ce texte poétique. Il montre aussi un monde violent, celui de l’Afghanistan. Pays qu’il a quitté en 1984. Il interroge sur la destruction des hommes mais aussi de l’art car « une œuvre garantit la trace de l’humanité dans l’univers ».
Pour ceux qui avait déjà dévoré le roman Syngué sabour, Pierre de patience pour lequel Atiq Rahimi a décroché le prix Goncourt en 2008, pas de doute qu’ils retrouveront le phrasé de l’auteur. Une voix chantante qui résonne au-delà de la violence, au-delà de la souffrance. Un beau texte sur la liberté et l’amour !
Atiq Rahimi, Les Porteurs d’eau, P.O.L., 283 p.
Photo : Atiq Rahimi © Hélène Bamberger/P.O.L