« Mais la vérité de la musique n’est pas dans la partition, elle est cachée entre les notes, dans la fluctuation des états provoqués par les sons. Cela impose de maîtriser le langage du compositeur, de savoir improviser dans sa manière. Si j’apprends par cœur une poésie japonaise, cela ne signifie pas que je parle japonais ! » C’est pour le lundi 28 janvier 2019 à la Halle à 20h dans le cadre du Cycle Grands Interprètes.
Arcadi Volodos a tout, des moyens colossaux d’abord, qui déterminent une technique phénoménale et une approche des partitions, marquée par une imagination, une passion qui rendent leur lecture si personnelle. Une virtuosité sans limites permet alors toutes les audaces et quand elle se combine à un sens unique du rythme, une palette de couleurs à l’infini et une telle poésie dans la moindre page, cela fait de Volodos, un musicien hors-champ.
Le programme, mine de rien, très architecturé du récital : Rachmaninov et Scriabine, ce sont ses racines. Schubert, mais comment se passer de Schubert ? On remarquera que pour les trois, des pages de jeunesse voisinent avec des pages plus consistantes et révélatrices des capacités de chacun, un choix délibéré de l’artiste.
Franz SCHUBERT
Sonate n°1, en mi majeur, D. 157
Six Moments musicaux, D.780 opus 94
Serge RACHMANINOV
Prélude en do dièse mineur opus 3, n°2
Prélude en sol bémol majeur opus 23, n°10
Prélude si mineur opus 32, n°10
Romance opus 21, n°7 Zdes’ khorosho (arr. Volodos)
Sérénade en si bémol mineur opus 3, n°5
Etude-Tableaux en ut mineur opus 33, n°3
Alexandre SCRIABINE
Mazurka opus 25, n°3
Caresse dansée opus 57, n°2
Enigme en ré bémol majeur opus 52, n°2
Deux Danses opus 73 : Flammes sombres – Guirlandes
Vers La Flamme opus 72
À la Première Sonate virtuose d’un Franz de 18 ans vont succéder les Six Moments musicaux et leurs pianissimi les plus impalpables allant jusqu’aux fortissimi les plus accomplis. Après l’entracte suivront de courtes pièces de Rachmaninov avec pour ouvrir le portrait du maître, l’incontournable Prélude opus 3 n°2, se glissant aussi un arrangement pour piano seul dû à Volodos, de la Romance opus 21, n°7. La dernière section du récital se révèlera plus exigeante, étant consacré à Alexandre Scriabine. L’ultime Vers la flamme, opus 72 ne laissera aucun répit aux présents qui auraient pu sombrer dans quelque torpeur ou extase.
Pour remercier son auditoire qui, n’en doutons pas, aura fait tous les efforts nécessaires pour ne pas perturber l’écoute par des manifestations laryngées détestables, Arcadis Volodos nous gratifiera sûrement de quelques encore et peut-être une pièce de Monpou au sujet duquel il se plaisait à dire, illustration parfaite de son approche actuelle des pièces choisies et du fil rouge suivi dans leur interprétation : «Mompou était obsédé par le zen, sa Música callada est une musique du silence, une solitude sonore totalement en dehors de tout ce qu’a produit la musique européenne. Ces quelques petits cahiers de pièces minimalistes, mystiques, avec si peu de notes, sont impossibles à concevoir aujourd’hui dans un monde où les gens ne veulent plus écouter mais voir… Pour comprendre Mompou, il faut faire des kilomètres dans la montagne, aller écouter le bruit des ruisseaux…»
Né à Saint-Pétersbourg le 24 février 1972, Arcadi Volodos a commencé ses études musicales par des leçons de chant et de direction. Il n’entreprend de sérieuse formation de pianiste qu’en 1987 au Conservatoire de Saint-Pétersbourg avant de poursuivre des études supérieures au Conservatoire de Moscou à 17 ans avec Galina Egiazarova. Ensuite, en 1993, il rejoint Paris et étudie un an au Conservatoire dans la classe de Jacques Rouvier. Puis c’est Madrid et Dimtri Baschkirov.
« Qu’on le croie ou non, Arcadi Volodos ne maîtrise pas le piano depuis l’âge de 5 ans. Né d’un père baryton (établi à Paris) et d’une mère choriste à la radio, l’enfant se destinait à devenir chef de chœur. S’il joue du piano dès son entrée au conservatoire, c’est parce que la pratique de cet instrument y est obligatoire. Il chante depuis cinq ans dans différents chœurs quand il découvre les enregistrements de Cortot, Rachmaninov, Schnabel et Gesekieng. Et réalise qu’il s’est trompé de vocation: d’abord refusé par l’école de piano de Saint-Pétersbourg, il travaille d’arrache-pied, et deux mois plus tard donne une sonate de Mozart, une Etude de Chopin et un Prélude & fugue de Bach qui lui valent d’être reçu premier. »
Celui que beaucoup décrivaient alors comme quasi-autiste a été métamorphosé par sa découverte d’un certain Vladimir Horowitz, le pianiste qui subjuguait Rachmaninov lui-même, c’est peu dire. Le jury de la Fondation Cziffra ne s’y trompe pas, qui lui décerne son premier prix en 1993.
Depuis ses débuts à New York en 1996, Volodos s’est produit dans le monde entier en récital et avec les plus grands orchestres et chefs d’orchestre. Pas un seul ne manque à l’appel que ce soit côté orchestre ou côté chef.
Les récitals de piano jouent un rôle central dans la vie artistique de Volodos depuis le début de sa carrière. Son répertoire comprend des œuvres majeures de Schubert, Schumann, Brahms, Beethoven, Liszt, Rachmaninov, Scriabine, Prokofiev et Ravel ainsi que des œuvres moins souvent interprétées de Mompou, Lecuona et de Falla. « Beaucoup l’ont découvert à Paris, lors de ses premiers récitals à l’auditorium du Louvre, à Orsay ou à Gaveau. Les New-Yorkais l’ont entendu en 1996 au Carnegie Hall où il donnait le Deuxième Concerto de Rachmaninov avec le Symphonique de Boston dirigé par Seiji Ozawa. » On parle alors de virtuosité technique très exceptionnelle.
Volodos est un invité régulier des plus prestigieuses salles de concert d’Europe, même si ce n’est pas un “stakhanoviste“ et qu’il donne un nombre limite de prestations aux quatre coins du monde. Ce n’est pas non plus un marathonien des salles d’enregistrement et il est ainsi plus facile de posséder tous ces CD. « J’évite autant que possible de rajouter des disques inutiles sur le marché » déclare Arcadi Volodos. C’est dire s’il choisit avec soin son répertoire.
Si l’un doit vous être suggéré, je dirais Monpou. Mais, difficile de négliger le Volodos Plays Brahms, dernier enregistrement publié en avril 2017, un album de treize pièces pour piano de Johannes Brahms, comprenant les Opus 117 et 118 et une sélection tirée de l’op. 76.
Billetterie en Ligne des Grands Interprètes
Les Grands Interprètes
Arcadi Volodos (piano)
Halle aux Grains • lundi 28 janvier 2019