Jeunes, ils le sont, le chef natif de Singapour Wong (32 ans) et le pianiste toulousain Laloum (31 ans). Les deux affrontent le Concerto pour piano et orchestre n°21 du toujours jeune Wolfgang Mozart (29 ans) tandis que suivra la Symphonie n°1 « Titan » du jeune Gustav Mahler (28 ans). Place à la jeunesse donc. Les forces vives orchestrales sont celles de l’Orchestre National du Capitole. C’est à la Halle à 20h le samedi 12 janvier 2019.
Faut-il présenter encore Adam Laloum ? Ce toujours jeune pianiste, tout juste trentenaire, étonne son auditoire pratiquement à chacune de ses apparitions en concert, que ce soit en récital ou comme concertiste. L’artiste n’a plus une minute. Il est partout. Affamé de musique de chambre surtout, il est très sollicité alors dans toute pièce où le piano doit être présent. N’a-t-on pas dit de lui : « Adam a les qualités d’un grand chambriste : il joue magnifiquement, sait être autant à l’écoute qu’il peut être moteur. » Les concertos ne lui font plus peur, et c’est ainsi que la Halle a pu l’accueillir, après le n°1 de Johannes Brahms, dans le n°2. Il a aussi déjà interprété en ce même lieu le n°23 de ce cher Amadeus. Pour le dire simplement, l’artiste ne joue pas qu’avec ses doigts déclenchant alors chez l’auditeur comme une sorte d’attraction. Jeu captivant car très singulier, interrogateur. « Jouer avec son cœur, c’est déjà pas mal. » a-t-il pu confier.
Un analyste de haut vol vous dirait : « Pourtant, il y a un mystère Laloum, qui émeut, fascine ou dérange, en tout cas impose le respect : plus il se produit, et moins on le connaît. Plus l’artiste se livre, et plus les ressorts secrets de son jeu se dérobent. »
http://www.pianobleu.com/adam_laloum.html : Vous vous devez de consulter cette adresse qui vous apprendra beaucoup sur le pianiste et vous donnera aussi quelques clés sur ses choix délibérés d’interprétation. Écoutons-le encore nous confier : « …Je crois que nous aimons tous quand la musique est jouée naturellement, je fais donc tout mon possible pour préserver ce naturel, qui nous échappe si souvent et que l’on peine à retrouver. Un naturel déjà faussé à la base par nos connaissances et nos névroses…Souvent ce naturel n’arrive qu’après des heures de “prises de tête“ avec la partition, c’est un moment plutôt gratifiant dans le travail d’interprétation. »
Quant à Kah Chun Wong ? Originaire de Singapour, ce jeune chef se fait connaître en remportant le Concours Mahler en mai 2016 devant 381 concurrents, ce qui lui vaut d’être nommé par Gustavo Dudamel comme chef assistant au Philharmonie de Los Angeles pour la saison 2016-2017, Dudamel justement, premier lauréat de ce concours de direction ayant lieu tous les 3 ans, et parrainé par la petite-fille, Marina, de Gustav Mahler. Après un brillant remplacement de dernière minute au Symphonique de Nuremberg en 2016, il est aussitôt nommé comme chef principal de ce même orchestre avec prise de fonction en 2018. Plutôt fulgurant le début de carrière. Bien sûr, les invitations tombent comme gravelotte sur le surdoué de la baguette, aussi bien pour nombre d’orchestres d’Extrême Orient qu’européens, plus une tournée en Chine avec son orchestre de Nuremberg. Durant 2018, il aura aussi accompagné Ivan Fischer dans sa tournée en Amérique du Nord avec cet orchestre que nous connaissons si bien, celui du festival de Budapest, maintes fois invité à la Halle avec le Cycle Grands Interprètes. Il y a un an, il dirigeait la Symphonie du Nouveau monde, ici même avec l’ONT.
Concerto pour piano et orchestre n°21 en ut majeur, K.467 avec : Allegro suivi de l’Andante puis Allegro viva assai. Un des plus connus, c’est sûr. Sachons que les concertos pour piano de Mozart font, pour la première fois dans l’histoire du genre, du soliste et de l’orchestre les partenaires égaux d’un dialogue véritable mené tout au long de l’œuvre. L’Andante aura un succès fou et définitif, mais pas tout de suite ! la mélodie initiale, d’une douceur et d’une apaisante beauté, écrite de manière exquise pour les cordes en sourdine, doit par la suite cohabiter avec des harmonies si stridentes dans leur dissonance et leur intensité émotionnelle que Léopold Mozart s’en alarma vivement, craignant que son fils n’exige de son public plus que ce qu’on pouvait en attendre. Il ne se trompait guère puisque ce concerto fut l’une des premières œuvres qui vit le public viennois commencer à se détourner du “divin“, chose assez impensable avec notre recul.
Dans ce concerto, le monde créé par le compositeur est bien différent du précédent, le n°20, cette fois, lumineux et rayonnant, avec un andante tellement apaisé. Pourtant, les deux furent composés pratiquement en même temps. C’est Mozart lui-même qui, du n°21, en a donné la première audition à Vienne le 10 mars 1785 au Théâtre national de la Cour Impériale et Royale. Son cher père, présent, en dira qu’il était sans aucun doute remarquablement difficile.
Symphonie n°1 en ré majeur, Titan
I. Langsam – Schleppend – Wie ein Naturlaut (Lent – Traînant – Comme une voix de la nature)
Immer sehr gemächlich (Toujours très modéré)
II. Kräftig bewegt, doch nicht zu schnell (Energique et animé, mais pas trop vite)
III. Feierlich und gemessen, ohne zu schleppen (Solennel et mesuré, sans traîner)
IV. Stürmish bewegt (Orageux – Animé)
durée ~ 55 mn
« Toutes mes œuvres sont une anticipation de la vie qui vient. » G. Mahler
L’orchestration de la Première Symphonie, telle que nous la connaissons aujourd’hui date, à peu de choses près, de 1897 après de nouvelles révisions. Elle comprend bien sûr tous les pupitres de cordes, une harpe, les bois ou vents par quatre, mais de nombreux cuivres -sept cors, cinq trompettes, quatre trombones, un tuba-, ainsi que deux timbaliers et une percussion abondante. Le raffinement, et parfois même la nouveauté des sonorités ne cesse jamais de surprendre ni d’étonner, et cela d’autant plus que la plupart des inventions sonores les plus hardies se trouvent déjà dans le manuscrit de 1893.
Interrogé à ce sujet par sa fidèle amie Nathalie Bauer-Lechner, Mahler lui répond en 1900 : « Cela provient de la manière dont les instruments sont utilisés. Dans le premier mouvement, leur timbre propre est submergé par l’océan de sons, comme le sont ces corps lumineux qui deviennent invisibles à cause de l’éclat même qu’ils diffusent. Plus tard dans la Marche, les instruments ont l’air d’être travestis, camouflés. La sonorité doit être ici comme assourdie, amortie, comme si on voyait passer des ombres ou des fantômes. Chacune des entrées du canon doit être clairement perceptible. Je voulais que sa couleur surprenne et qu’elle attire l’attention. Je me suis cassé la tête pour y arriver. J’ai finalement si bien réussi que tu as ressenti toi-même cette impression d’étrangeté et de dépaysement. Lorsque je veux qu’un son devienne inquiétant à force d’être retenu, je ne le confie pas à un instrument qui peut le jouer facilement, mais à un autre qui doit faire un grand effort pour le produire et ne peut y parvenir que contraint et forcé. Souvent même, je lui fais franchir les limites naturelles de sa tessiture. C’est ainsi que contrebasses et basson doivent piailler dans l’aigu et que les flûtes sont parfois obligées de s’essouffler dans le grave, et ainsi de suite… » Pas étonnant que la critique hongroise accuse Mahler de cultiver l’étrangeté, la vulgarité, la bizarrerie, la cacophonie même, « anti-musicale », de manquer d’invention, de goût, et de ne se complaire que dans les effets orchestraux. L’homme est à terre, fort surpris d’être de la sorte…incompris.
Pour la genèse de la Symphonie et sur les quatre mouvements, cliquez ici
Billetterie en Ligne de l’Orchestre du Capitole
Orchestre National du Capitole
Kah Chun Wong (direction) • Adam Laloum (piano)
samedi 12 janvier 2019 • Halle aux Grains (20h00)