Au bout des doigts, un film de Ludovic Bernard
Mathieu, à peine majeur, vit en secret depuis toujours une passion intérieure profonde : le piano. Il en a appris les rudiments auprès de Monsieur Jacques (formidable Michel Jonasz). En secret car Mathieu habite dans ces quartiers que l’on dit défavorisés d’où une certaine culture est bannie.
De magouilles en casses à deux balles il finit par se faire pincer. Par chance il a dans sa poche la carte de visite de Pierre (Lambert Wilson sans grande conviction) qui n’est autre que le directeur d’un département du Conservatoire national supérieur de musique de Paris. Ce dernier l’a entendu, peu de temps avant son arrestation, alors qu’il jouait dans une gare. Pierre se précipite au Tribunal et, jouant de son influence, obtient la commutation de la peine de prison en temps de travail d’intérêt général. Direction le Conservatoire pour passer la serpillière. Sauf que, rapidement, Pierre creuse le talent de Mathieu et s’aperçoit qu’effectivement il a affaire à un véritable artiste qu’il faut à tout prix faire s’épanouir. Il le met entre les mains d’une prof redoutable surnommée « La Comtesse » (Kristine Scott Thomas caricaturale). Elle est en charge de le préparer, avec Pierre, à un concours international, véritable sésame de toute carrière pianistique. Inutile de vous dire la suite, il ne faut pas être grand devin pour la deviner.
En creux se dessinent bien d’autres thèmes dont celui de l’accession à la culture dite classique par le plus grand nombre, également celui des réseaux d’influence dans le milieu musical, véritable nid de frelons en quête de subventions, plus subtilement le thème de la transmission et aussi celui de l’artiste, du vrai, ici non pas un pianiste virtuose flamboyant mais un interprète qui, du bout des doigts, fait entendre non seulement une partition mais aussi transmet l’émotion dissimulée derrière chaque note. Et cela est beaucoup plus rare. En cela le film est intéressant, malgré un scénario cousu de fil blanc et une interprétation pas franchement convaincante d’autant que le fils de Samuel Benchetrit et Marie Trintignant, Jules Benchetrit, ne fait pas grand-chose du rôle en or de Mathieu. Dommage, il y avait matière.