Compte rendu concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 8 décembre 2018. Lopez. Korngold. Stravinski. Akiko Suwanai. Orchestre National du Capitole de Toulouse. Klaus Mäkelä.
Avec Klaus Mäkelä, le génie n’attend pas le nombre des années.
Parmi les chefs invités par l’orchestre du Capitole il y en a de toutes sortes. Ce n’est pas fréquent qu’un chef aussi jeune, 23 ans , fasse une impression aussi consensuelle et évidente sur d’autres qualités que la jeunesse. Le très jeune chef finlandais est déjà un très grand chef. Il est nommé à Oslo l’année prochaine, hélas pour le reste du monde car il sera très pris et a dû renoncer à des engagements ( dont deux concerts à Toulouse prévus la saison prochaine). Les génies de la baguette sont rares et les plus audacieux ont su se l’attacher. Qu’apporte ce chef de si génial ? Une autorité bienveillante et naturelle, des gestes très clairs et dont la souplesse révèle une belle musicalité. Cet artiste est également un violoncelliste de grand talent ! La précision de la mise en place , la clarté des plans sont sidérantes. Il encourage l’orchestre et ne le bride pas. Il faut dire que l’Orchestre du Capitole atteint un niveau d’excellence qui permet à un chef musicien d’atteindre de suite des sommets.
La première pièce du concert est une nouveauté pour le public comme pour l’orchestre, une pièce en forme de poème symphonique de Jimmy Lopez. La difficulté est comme un jeu entre le chef et l’orchestre qui dans une véritable flamboyance de chaque instant nous régale. Pourtant le propos du compositeur est polémique car il parle de l’esclavage qui a conduit les victimes à inventer des instruments et un style musical avec les moyens du bord. L’homme est incroyablement créatif dans l’adversité et la souffrance. Ainsi en fine suggestion plusieurs instruments à percussion ont intégré ceux d’un grand orchestre symphonique gagnant ainsi leurs titres de noblesse. La mâchoire d’âne étant la plus singulière et la plus emblématique de ce génie humain dans le malheur. Magnifique œuvre mettant donc en valeur tous les pupitres de l’orchestre et la technique impeccable des musiciens et du chef. Les rythmes populaires intégrés permettant rubato et swing à l’envie.
La soliste invitée, Akiko Suwanai, toute d’élégance féminine bleutée en une robe de ciel étoilé, a auréolé la salle de son charme. Le violon dont elle joue a appartenu à un prince, un poète du violon, Jascha Heifetz. Elle retrouve les qualités esthétiques faites de pureté de son, de grain noble du timbre et d’un exquis moelleux des lignes, comme le maestro et ce fameux Dolphin de 1714.
L’interprétation du concerto pour violon de Korngold est lumineuse, planante et délicatement phrasée. Tout coule et rien ne fait aspérité. Peut être un léger manque de contraste et d’émotion peuvent diminuer l’intense plaisir hédoniste que le jeu de la violoniste offre au public. `
En bis elle offre avec une déconcertante facilité le final de la sonate pour violon seul d’Ysaÿ mêlant Bach et le Dies Irae.
Après l’entracte le chef dirige avec un réel plaisir communicatif la pièce de Stravinski qu’il préfère, Petrouchka. Il faut reconnaître que son interprétation est marquée par une confiance absolue et une solidité remarquable. Rien ne vient ternir une énergie invincible. L’orchestre du Capitole répond comme un seul à cette direction précise et le résultat est particulièrement lumineux et même éclatant. Chaque instrumentiste est parfait. Il manque juste un peu de farce et d’humour à ce ballet facétieux et même mélancolique en second degré. Pour l’heure le chef finlandais est tout à son admiration pour cette partition flamboyante et pour les qualités de l’orchestre du Capitole très à l’aise dans ce répertoire. Avec le temps viendront le sens du théâtre et le burlesque que Stravinski a mis dans sa partition qui à l’origine est un ballet.
Un très beau concert qui révèle les qualités d’un véritable génie de la baguette et la confirmation de l’exceptionnelle virtuosité de la violoniste nippone. Et notre Orchestre du Capitole qui poursuit son affirmation de partenaire idéal des plus grands musiciens.
Compte rendu concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 8 décembre 2018. Jimmy Lopez ( né en 1978) : Peru Negro pour orchestre ; Erich Wolfgang Korngold ( 1897-1957) : concerto pour violon et orchestre en ré majeur op.45 ; Igor Stravinski (1882-1971) : Petrouchka, scènes burlesques en quatre tableaux ( version de 1947) ; Akiko Suwanai, violon ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Klaus Mäkelä, direction.