Toulouse et Paris main dans la main : que de félicité !
Salle pleine à la philharmonie ce soir pour la création d’une œuvre de Qigang Chen, compositeur sino-français que le public adore. L’Orchestre National du Capitole de Toulouse et son chef Tugan Sokhiev avaient déjà donnés ce même concert deux jours auparavant dans leur ville de Toulouse.
Le sublime solo de trompette qui ouvre « Itinéraire d’une illusion » a été joué avec particulièrement de délicatesse par Hugo Blacher. La direction précise et souple du chef a fait merveille dans ce moment de magie qui a progressivement ouvert les oreilles des auditeurs vers des sonorités de plus en plus corsées. La poésie qui se dégage de cette ouverture est celle d’un matin, à la sortie des songes qui voit se lever le soleil et toute la nature se réveiller. Mais également qui met en mouvement toute l’intelligence et la sensibilité humaine. Après de sublimes aplats, une formule mélodico rythmique très courte, comme un appel, est passée d’un instrumentiste à l’autre. Tout l’orchestre s’est ainsi vu stimulé pour petit à petit se superposer et grandir. L’ostinato du piano d’une précision horlogère débute la construction du final qui voit s’empiler petit à petit tous les instruments de l’orchestre pour terminer dans une puissance rarement atteinte par un orchestre symphonique. Les qualités de la composition de Qigang Chen sont multiples et méritent vraiment une écoute attentive pour être toutes mises en valeur. Une création de cette qualité est très rare. Le temps va permettre d’en comprendre toute la beauté et la subtilité mais déjà le charme opère en une écoute unique. L’association de l’Orchestre du Capitole et de la Philharmonie de Paris, commanditaires de cette magnifique Composition, ne peut qu’être louée. Cette belle création a été faite d’abord à Toulouse puis Paris, avec le même succès.
Il y a une magnifique transparence dans l’orchestration de Cheng que la direction très inspirée de Tugan Sokhiev rend merveilleusement bien grâce aux qualités de délicatesse de l’orchestre de Toulouse. Hugo Blacher avec son solo de trompette sublime ouvre avec émotion cette belle partition. Et bien des solistes lui emboîtent le pas avec les mêmes qualités, il faudrait tous les citer… Qigang Chen est le compositeur sino-français que le monde entier admire, et cela se comprend aisément. Le public parisien a semblé adorer cet « Itinéraire d’une illusion ». Il faut dire qu’une création avec des musiciens si virtuoses et un chef si précis et musical à la fois ne peut qu’apporter toutes satisfactions. Une création de cette qualité tord le cou aux idées reçues sur l’inécoutable trop souvent mis en exergue par d’autres compositions contemporaines. Il est possible d’écrire une partition facile d’écoute et de grande complexité, la preuve en est donnée ce soir avec éclat.
Le jeune Edgar Moreau rentre ensuite en scène avec son violoncelle avec modestie et s’installe sur son estrade. La complicité avec Tugan Sokhiev est palpable. Dès son délicat premier coup d’archet nous savons que ce prodigieux interprète va rendre hommage au génie de Chostakovitch. Ce deuxième concerto si complexe et difficile a été commandé par Rostropovitch, c’est dire ! Il est impossible de décrire l’admirable osmose qui existe entre le soliste et l’orchestre. Tugan Sokhiev a les yeux partout et ne laisse jamais rien au hasard. La précision de sa direction est implacable tout en laissant de grandes plages de legato pour le soliste. Il est partout, à la fois suspendu aux gestes du violoncelliste et encourageant chaque musicien de l’orchestre. Et les moments solistes dans l’orchestre sont nombreux ! Les nuances sont sublimement creusées, les couleurs du violoncelle s’harmonisent avec celles de l’orchestre. Voilà une très belle interprétation sur tous les plans de ce concerto. Le succès est grandiose, partagé entre l’orchestre, le chef et ce soliste si attachant. Edgar Moreau a une maîtrise technique impeccable, totalement mise au service de la musicalité la plus délicate. Nous avions déjà entendu à deux reprises la magnifique interprétation toulousaine de la cinquième symphonie de Chostakovitch et nous nous faisions une fête de la déguster dans la magnifique acoustique de la Philharmonie de Paris. Il est certain que le public toulousain peut admirer son orchestre sous la direction de son chef dans la Halle-aux-Grains mais vraiment ce n’est pas le même orchestre que nous pouvons entendre à Paris. J’ai déjà souvent écrit combien cette acoustique est merveilleuse mais vraiment c’est lorsque l’Orchestre du Capitole de Toulouse joue dans de belles acoustiques comme à Paris, qu’il sonne magnifiquement bien. Les nuances infimes peuvent être développées et les forte ici sont généreux sans risque de saturation et sans jamais la moindre violence. Car c’est une caractéristique de la direction de Tugan Sokhiev de toujours développer très progressivement les nuances et de garder une petite marge pour le dernier forte. Toute la puissance contenue dans la symphonie, la provocation, la moquerie, voir la méchanceté ont trouvé dans cette interprétation toute leur place. Le final avec cette construction implacable a amené le public à véritablement exulter.
Un magnifique concert dont la dimension historique est relayée sur le net par Medici TV et le site de la Philharmonie de Paris Live. La partition de Qigang Chen mérite d’être connue et Chostakovitch n’est jamais assez joué et là il est interprété d’une admirable façon.
Compte rendu concert. Paris. Grande salle de la philharmonie, le 5 novembre 2018. Qigang Chen (Né en 1951) : L’itinéraire d’une illusion ; Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Concerto pour violoncelle n° 2 et Symphonie n°5 ; Edgar Moreau, violoncelle ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Tugan Sokhiev, direction.
Il semble certain que les médias sont conscients de cette alchimie particulière et ce concert a été mis en ligne sur PhilharmonieLive et MediciTV .
Non seulement la musique explose de vie mais la beauté des image et la photo met en valeur chaque musicien dont la beauté et la jeunesse ainsi que la concentration et la plaisir de jouer sont merveilleux . L’art rend beau!