Heureux comme Lazzaro, un film de Alice Rohrwacher
Aussi incroyable que cela paraisse, ce film de fiction, Prix du scénario Cannes 2018, est inspiré d’une histoire par trop réelle. Nous sommes dans une Italie centrale, au cœur d’un village bien nommé l’Inviolata. Déjà tout un programme.
Il appartient à une marquise qui, en lieu et place de supprimer le métayage sur ses terres, comme la loi lui demandait en 1982, a tenu éloigné de tout cela ses paysans et a continué, plutôt que de leur donner les salaires auxquels ils avaient dorénavant droit, à les considérer comme ses serfs, à l’égal de ses descendants moyenâgeux. A sa découverte, ce scandale fit sensation dans la Péninsule.
Ce cruel et pathétique épisode social nous est conté au travers du regard, ou plutôt d’un regard, celui du jeune Lazzaro, l’homme à tout faire, et plutôt les basses besognes, de cette communauté. Véritable bonté réincarnée, Lazzaro croit en un bien immanent, naturel et universel. A l’égal d’un certain facteur pasolinien, il va être le révélateur en même temps que le témoin d’univers qui s’entrechoquent, la campagne et la ville. Traversant les âges sans l’ombre d’une marque physique, Lazzaro accompagne les habitants de l’Inviolata enfin libérée vers cet autre enfer que sont les banlieues industrielles. Point de salut pour les déshérités de notre monde. Véritable figure christique, Lazzaro désarme par sa candeur et nous laisse au bord des larmes. Adriano Tardiolo (Lazzaro), pour sa première apparition à l’écran, illumine ce film d’une aura dans laquelle la grâce le dispute à l’émotion.
Robert Pénavayre