La saison du temple lyrique toulousain s’ouvre à la découverte de nouveaux horizons. Le 23 novembre prochain, l’ensemble de cuivres anciens de Toulouse, Les Sacqueboutiers, crée sur la scène de cette vénérable institution un nouveau programme musical et historique d’une originalité particulière. Ce concert-lecture propose un « Voyage musical en Nouvelle Espagne – Sur les traces de Fernando Cortés ».
Lorsqu’ils fondent en 1976 l’ensemble Les Sacqueboutiers, Jean-Pierre Canihac et Jean-Pierre Mathieu font office de pionniers. La redécouverte des cuivres anciens est une véritable aventure. Il faut retrouver les traces des instruments, réinventer une technique de jeu, reconsidérer le répertoire, l’exhumer le plus souvent ! Depuis leur fondation Les Sacqueboutiers se consacrent donc à la redécouverte de la pratique des cuivres anciens et du vaste répertoire de la Renaissance, âge d’or de leurs instruments. Ils se sont imposés depuis comme l’une des formations de musique ancienne les plus imaginatives et les plus recherchées. Ses musiciens parcourent le monde et construisent au fil des saisons de nouveaux programmes dont certains associent la musique aux arts les plus divers (danse, poésie, marionnettes, histoire…). Ils réservent à Toulouse et son Théâtre du Capitole une création en dialogue – musique, chants, récits – qui illustre l’un des grands événements de l’Histoire, la conquête du Mexique par les forces ibériques.
Lorsqu’à la fin de l’année 1518, Fernando Cortés part de Cuba pour un voyage exploratoire au Mexique, il ne se doute pas de ce qu’il s’apprête à rencontrer : une civilisation entièrement différente de la sienne, où les relations sociales, les productions artistiques, les rites religieux, la conception même du monde s’opposent de façon spectaculaire aux schémas européens. Pour rendre compte de ce « choc de la conquête » les textes retrouvés alternent les points de vue : tantôt empruntés à des conquistadores compagnons de Cortés, ils sont également tirés des chroniques indiennes qui ont raconté l’arrivée des Espagnols et l’incompréhension qui en a résulté.
Récemment redécouverts, ces récits inédits, parfois poétiques, parfois cruels, constituent une sorte de fil rouge du spectacle de ce 23 novembre. Le récitant qui les révèlera, Daniel Mesguich, est un habitué de ce genre d’exercice. Outre sa carrière d’acteur, de pédagogue et de directeur de grandes institutions, il est invité dans de nombreuses manifestations littéraires, et se produit souvent comme récitant aux côtés de grandes personnalités musicales (Brigitte Engerer, Jean-Efflam Bavouzet, Cyril Huvé, etc.), ou sous la baguette de grands chefs (Kurt Masur, Jean-Claude Malgoire, Philippe Bender, François-Xavier Roth, Jean-Claude Casadesus, Emmanuel Krivine, etc.).
Les œuvres musicales du programme font entendre essentiellement des pièces issues du métissage méso-américain. C’est le cas des œuvres de Gaspar Fernandes (v. 1565-1629), compositeur d’origine portugaise qui commence à travailler à la cathédrale d’Evora avant de s’embarquer pour le Guatemala, où le 16 juillet 1599 on le retrouve comme organiste à la cathédrale puis comme maître de chapelle en 1602. Il est invité par la suite à succéder à Pedro Bermudez, comme maître de chapelle à la cathédrale de Puebla au Mexique. C’est là qu’il compose l’essentiel de son œuvre recueilli aujourd’hui dans le « Cancionero de Gaspar Fernandes » retrouvé dans les archives de la bibliothèque d’Oaxaca. Parmi les autres œuvres du programme, il faut relever les pièces extraites des manuscrits de Santa Eulalia, et qui seront entendues pour la première fois en concert.
Les musiciens de l’ensemble seront ce soir-là : Jean-Pierre Canihac, cornet à bouquin, Daniel Lassalle, sacqueboute, Philippe Canguilhem, chalemie, Laurent Le Chenadec, doulciane, Eduardo Egüez, guitare, Florent Tisseyre percussions et Yasuko Uyama-Bouvard, orgue. Les quatre chanteurs chargés des pièces vocales, sont les compagnons habituels des Sacqueboutiers : Adriana Fernandez, soprano, David Sagastume, alto, Victor Sordo, ténor et Daniele Carnovich, basse.
La découverte de nouveaux horizons musicaux et historiques est donc au programme de ce concert-lecture.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse