Danseur virtuose, légendaire, Rudolf Noureev a révolutionné la danse classique. 25 ans après sa mort, le Ballet du Capitole lui rend un nouvel hommage : « Dans les Pas de Noureev ». Rencontre avec le directeur du Ballet, Kader Belarbi.
Kader Belarbi a côtoyé de près Rudolf Noureev, ce génie de la danse, adulé telle une rockstar dans le monde entier. Nommé Étoile après une représentation de La Belle au bois dormant présentée par Noureev à l’Opéra de Paris, le directeur du Ballet du Capitole a tenu à lui rendre un nouvel hommage, à travers un florilège de grands classiques du répertoire : Raymonda, Roméo et Juliette, La Belle au bois dormant, Cendrillon, Le Lac des cygnes et La Bayadère. Un programme très ambitieux en ouverture de la saison de danse 2018/2019.
Les spectateurs vont découvrir deux nouvelles pièces, Raymonda et Cendrillon qui entrent au répertoire du Ballet du Capitole à l’occasion de ce programme sur Noureev. Pourquoi avez-vous choisi ces deux ballets ?
Je vais faire une parole à la Rudolf Noureev puisqu’il me l’a apprise, c’est : « Donner à manger à tout le monde ». Autrement dit, le corps de ballet a autant de valeur que les solistes. L’acte III de Raymonda permet de montrer cela, avec le grand adage et toutes les variations qui s’enchaînent jusqu’à la coda, en dévoilant qui est le Ballet du Capitole, en mettant en valeur son corps de ballet et ses solistes. Tout cela dans un style russe d’inspiration hongroise.
Cendrillon c’est la mignardise, un duo entre deux « lovers », une jeune actrice et l’acteur-vedette, sur la musique de Prokofiev. Encore une fois, c’est la possibilité de distribuer les danseurs dans des rôles variés, ce qui leur permet de grandir et de se présenter dans différents registres.
Et puis le Ballet du Capitole a la mission de redonner et de remettre en situation des ballets qui appartiennent au patrimoine, pour que les danseurs et le public ressentent, apprécient à sa juste valeur le répertoire classique académique français.
Ce programme est un défi pour les danseurs. Quelles sont les difficultés du style Noureev ?
Chez Rudolf Noureev, l’enchaînement chorégraphique est parfois assez ardu. Il faut donc retrouver une sorte de naturel pour pouvoir danser, ce qui n’est pas toujours évident parce que le style est très technique, demande une grande musicalité – sur chaque note il y a un pas -, une technique très variée. C’est très important pour les danseurs du Ballet du Capitole d’expérimenter cet exercice de style, chaque fois un style particulier : le lyrisme de Roméo et Juliette ou l’élégance de La Belle au bois dormant. Il y a un vrai travail d’incarnation, de vérité, d’authenticité et une sophistication qui réclame une grande exigence, une rigueur dans l’utilisation du vocabulaire académique.
Les ballets sont-ils remontés à l’identique ?
Comme en 2013 [NDLR : date de la création du spectacle « Dans les Pas de Noureev »], je travaille en collaboration avec la fondation Noureev mais cette fois avec les Étoiles de l’Opéra de Paris, Élisabeth Platel et Charles Jude, parce qu’ils ont participé à la création de Raymonda et de Cendrillon. La transmission orale et leur présence en direct est indispensable tant au niveau technique que sur l’esprit de Rudolf. Lorsqu’un chorégraphe disparaît, la question de la transmission se pose toujours. Chacun a son Noureev dans la tête et chacun dit quelque chose de lui. Charles Jude et Élisabeth Platel vont apporter ce qu’ils entendent de plus conforme à l’esprit et au style de Noureev. C’est très important car ça veut dire qu’on reste vivant, ce que j’appelle « le ballet vivant d’aujourd’hui ». On ne reprend pas un répertoire muséal, poussiéreux dont on fait un simple divertissement. L’objectif est de donner vie à ce répertoire, de l’incarner.
Et vous qui l’avez côtoyé de près à l’Opéra de Paris, quel souvenir gardez-vous de Rudolf Noureev ? Que vous a-t-il appris ?
Je ne serais pas qui je suis aujourd’hui si je n’avais pas rencontré Noureev. Je ne sais pas trop si je devrais dire ça, mais pendant deux ans je suivais les cours en dilettante. Il fallait bien s’amuser … (rires). Mais quand Rudolf Noureev est arrivé, il avait une telle passion – c’était quasiment de la dévotion – que j’ai commencé à me questionner. Pour lui, la danse était bien plus qu’un métier. Alors j’ai cherché à me dépasser. De son enseignement je garde la précision du vocabulaire, la rigueur technique et aussi le travail sur l’interprétation. Je me souviens qu’il avait aussi ce côté rockstar … En tous cas, avec les danseurs de ma génération, nous sommes tous des enfants de Noureev.
Léa Guichou
Dans les Pas de Noureev : les 18, 19, 20, 21 et 23 octobre au Théâtre du Capitole.
Raymonda – Grand Pas classique (entrée au répertoire)
Roméo et Juliette – scène du balcon, acte I
La Belle au bois dormant – Pas de deux du Mariage, acte III
Cendrillon – Pas de deux : Cendrillon et l’Acteur – vedette, acte II
Le Lac des cygnes – Pas de trois du Cygne noir, acte III
La Bayadère – Le Royaume des Ombres – Acte III
Crédit photo : David Herrero