La cinquième symphonie de Chostakovitch pour tous !
La série de concert « Happy Hour » dure une heure de 18 à 19 h et est destinée à un public nouveau à petit prix. En choisissant une symphonie de Chostakovitch, Tugan Sokhiev montre combien il respecte ce public nouveau et combien il croit en l’excellence pour dépasser la difficulté suspectée pour les œuvres du XX ième siècle. Certes la symphonie n°5 de Chostakovitch est la plus connue et a une histoire si singulière qu’elle marque les esprits. Ecrite sous la terrible censure soviétique, sous une forme en apparence facile elle contient de la douleur, de la moquerie et des facéties morbides ! La veille le même chef et le même orchestre nous avaient offert un somptueux concert, celui ci ne l’a pas été moins. La puissance de l’orchestre a atteint une plénitude sonore incroyable. Cette symphonie née sous la censure la plus dure et au moment des pires purges staliniennes, semble s’éloigner du formalisme et de la complexité mais il n’en est rien et le sous-texte est une véritable déclaration de guerre. Tugan Sokhiev arrive à rendre ce sous texte avec sa violence et sa méchanceté assumée (les gros cuivres, les timbales au final !).
Cette interprétation à main nue du chef ossète laisse sans voix. Comment deux simples mains humaines dans des gestes d’une grâce infinie ou d’une puissance insoutenable, comment deux simples mains peuvent-t- elles rendre justice avec ce talent à une partition si complexe ? En faisant un véritable test projectif dans lequel chacun peut ressentir victoire ou défaite, joies et peines, peurs, envie de danser ou de fuir, angoisses ou rires.
Les nombreux enfants dans la salle ont été médusés d’autres ont du sortir. Mais il est certain que le choix d’une si grande œuvre, et si rare, laissera des traces dans les mémoires. Le niveau d’excellence des musiciens de l’orchestre rencontre la puissance expressive du chef et le génie du compositeur. Cette symphonie hors normes au niveau émotionnel, rien que le troisième mouvement nous entraine dans des réflexions philosophiques infinies, sera redonnée par Tugan Sokhiev et les forces capitolines. Elle est annoncée dans la salle de la Philharmonie de Paris en novembre 2018. Nous essayerons d’y être afin de revivre et probablement avec encore plus d’intensité grâce à l’acoustique miraculeuse de la grande salle, les émotions si contrastées de ce concert inoubliable.
Hubert Stoecklin
Compte-rendu concert. Toulouse. Halle-aux-grains, le 22 septembre 2018. Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n°5 en ré mineur Op. 47 ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Tugan Sokhiev, direction.