Le nouveau roman de Jérôme Ferrari, A son image, publié aux éditions Actes Sud, est un hymne à la photographie, celle qui fait le lien entre la vie et la mort.
Nous sommes à Calvi en plein mois d’aout. Antonia est une jeune femme vive et passionnée. Sa passion, la photographie. Lorsque le livre débute, elle fait des photos pour un mariage. Puis, après une soirée retrouvailles avec un ami, Antonia décide de rentrer chez elle pour ne pas rater le traditionnel repas de famille. Mais Antonia ne rentrera jamais. Eblouie par le soleil, elle dérape et finit sa course dans un ravin. Ce sera la fin.
Pour le lecteur, en revanche, ce sera le début d’un long récit qui raconte le parcours de cette jeune fille au caractère déterminée. Alors que ses funérailles prennent place, son oncle et parrain, devenu prêtre, est celui qui va officier. Dévasté, l’homme qui était si proche d’Antonia ne laisse rien paraitre mais il se souvient de la vie, hélas trop courte, de sa nièce. Une petite fille curieuse qui deviendra une adolescente joviale. Il est celui qui lui offrira son premier appareil photo et la poussera à réaliser ses rêves. Plus rien n’arrêtera Antonia qui décide de faire des photos, ce sera d’abord dans une agence locale.
Gagner la liberté
La vie d’Antonia c’est aussi les premiers amours ou plutôt le premier amour avec Pascal B. Jeune homme peu bavard, brutal dans ses manières mais qui fait chavirer Antonia. Pascal B participe activement à des actions nationalistes qui le mèneront plusieurs fois en prison. Antonia attend et accepte, elle n’a pas le choix, les choses se passent ainsi autour d’elle. Alors il ne reste plus que la photographie pour partir, s’évader, échapper à un destin tout tracé. Antonia est lasse des mêmes combats et luttes qui gangrènent son existence. Elle décide de partir en ex-Yougoslavie où une autre guerre sévit.
Jérôme Ferrari nous peint une héroïne hors cadre qui observe, regarde mais ne participe pas à la violence qui l’entoure. Elle jette un regard de biais, un regard féroce qu’elle retranscrit dans ses photos.
La puissance d’évocation des photographies est d’ailleurs une réelle prouesse stylistique. Jérôme Ferrari décrit le travail artistique de son héroïne avec une précision fascinante qui laisse deviner les moindres détails. La photo fige un moment, un lieu, un décor, une scène, elle en dit toute sa beauté ou alors toute sa cruauté. C’est ce que montre l’auteur, que la photographie précède et dépasse celui qui l’a prise et s’inscrit dans le temps comme un témoignage qui reste intemporel.
Enfin, on retrouvera l’atmosphère pesante d’une corse quasi ancestrale avec ses lois, ses habitudes et ses coutumes comme avec cette scène particulièrement violente où Pascal B s’en prend à un touriste et le roue de coups devant ses enfants. Mais il n’est nul besoin de faire un procès contre Jérôme Ferrari car bien qu’il la malmène on sent dans ses mots un attachement puissant pour l’île et pour ses habitants.
Sylvie V.
Jérôme Ferrari, A son image, Actes Sud, 224 p.
Photo :Jérôme Ferrari © Marianne Tessier