Compte-rendu Concert. 4ème Festival de Lagrasse. Église Saint Michel, le 8 septembre 2018. Adam Laloum : piano et direction artistique.
Laloum et ses amis tous magiques dans la Truite de Schubert
Le moment attendu et magique de cette généreuse soirée musicale était le Quintette « La Truite » de Schubert par Adam Laloum et ses amis. Lui qui nous confiait aimer choisir avec qui jouer une œuvre a réuni une pléiade de fins musiciens à ses cotés pour ce monument de beauté et de gaieté. Tous sont de fabuleux solistes par ailleurs et tous se donnent comme objectif une fusion de chaque instant dans une écoute admirable et émue. La vivacité des réponses, la délicatesse des nuances et la générosité des phrasés caractérisent cette belle interprétation. Le rythme est bondissant tout en souplesse, et les couleurs miroitent. Le piano d’Adam Laloum est d’une beauté renversante. Le son est puissant, éclatant même par endroits, mais ce qui régale c’est le rebondi des notes comme des bulles, et les trilles comme des rires. J’aime toujours que le pianiste soit excellent dans cette œuvre mais certains en font trop. Le génie de Laloum me le confirme, le pianiste doit être parfait musicien mais il lui faut aussi savoir tenir un équilibre constamment renouvelé. Toute la coulée d’eau, le flux dans lequel la musique se meut vient du piano et la beauté du son de Laloum est toute de générosité. La manière pleine d’amitié dont il écoute ses collègues, les regarde, les provoque puis les suit est jubilatoire. Voici un véritable génie chambriste. Chacun semble se régaler de jouer sa partie, chacun d’écouter celle des autres. Quelle énergie, quelle tenue de son ! Les visages heureux sont sur scène autant que dans la salle à la fin de cette « Truite » solaire qui restera dans les mémoires.
Autours de ce soleil les autres planètes de ce concert sont des pièces de grande originalité chacune interprété avec art. Le concert avait débuté par un étrange trio de Fauré, œuvre un peu fanée de ses dernières années de composition, son charme est raffiné. Ce soir l’alchimie alto, violoncelle, piano fonctionne sur des couleurs pastels et des rythmes plus délicats que puissants. L’amitié partagée entre les musiciens donne de l’intérêt à cette partition fragile du dernier Fauré comme hors des modes.
Martinu, dans 3 Madrigals, une œuvre exigeante et aux références complexes, offre au violon et l’alto des défis interprétatifs que Philippe Chardon et Léa Hennino relèvent sans peine. Lui avec une grande concentration, elle avec davantage de charme et de sourires.
En deuxième partie une très belle surprise attend le public. Dover Beach de Samuel Barber est une partition belle et noble qui met en lumières variées un beau poème de Matthew Arnold. Avec un art du dire plein de profondeur et une voix homogène et chaude, la mezzo Fiona McGown semble très à l’aise et charme le public. Ses partenaires sont au diapason d’une sorte de mélancolie noble qui cherche la distanciation. La perte de la religion présentée non pas comme une liberté gagnée mais comme une solitude mortifère inévitable.
Ensuite l’orgue a pu résonner sous les doigts délicats et finement musiciens de Michael Seeligmüller. Son interprétation nuancée et à la registration délicate de la sonate en trio en mi mineur de Bach a apporté paix et sérénité en réponse aux mots tragique du poème. Voici un beau moment d’orgue parfaitement intégré au vaste programme.
Une œuvre plus connue a pu terminer le concert. Le quatuor avec piano de Brahms est une œuvre tragique, difficile à interpréter et pas facile d’écoute. La particularité était d’entendre deux fratries dans ce quatuor. Les frères Bellom au violoncelle et au piano et le frère et la sœur Chilemme lui au violon elle à l’alto. Si la maturité artistique des Chilemme leur a permis de rendre le tragique de la pièce, et de dominer leurs parties, les très jeunes frères Bellom ont eu le cran d’assurer leur partie mais sans pouvoir en rendre toute la profondeur. Surtout le piano de Guillaume Bellom qui afin de survivre à l’écriture très difficile au sein de l’andante a joué fin et délicat mais au prix de moments de quasi absence face au volume sonore des cordes. Un bel essai qui promet beaucoup pour ces jeunes artistes à suivre. Le public a été sensible à cet énorme défit gagné jusque dans le final acrobatique aux rythmes diaboliques par les quatre musiciens.
Un concert d’une longueur exceptionnelle en raison de la générosité de tous ces fabuleux artistes que la direction artistique d’Adam Laloum sait ne vouloir brimer jamais.
Un mot complémentaire sur les conditions de réalisation exceptionnelles de ce festival dont le succès doit également à un nombre considérable de bénévoles, tous particulièrement disponibles. La générosité et la simplicité dominent ces jours de festival loin du bruit et de la fureur de la rentrée.
Compte-rendu Concert. 4 ieme Festival de Lagrasse. Eglise Saint Michel, le 8 septembre 2018. . Gabriel Fauré (1845-1923) : Trio en ré mineur ; Léa Hennino : alto ; Yan Levionnois, violoncelle ; Guillaume Belom, piano. Bohuslav Martinu (1890-1959) : 3 Madrigals ; Philippe Chardon : violon ; Léa Hennino : alto. Schubert (1797-1828) : Quintette « La Truite » ; Guillaume Chilemme : violon ; Lise Berthaud : alto ; Adrien Bellom : violoncelle ; Mathias Lopez : contrebasse ; Adam Laloum : piano. Samuel Barber (1910-1981) : « Dover Beach » Op.3 ; Fiona McGown : mezzo-soprano ; Philippe Chardon : violon ; Guillaume Chilemme : violon ; Marie Chilemme : alto ; Adrien Bellom : violoncelle. Johann Sebastian Bach (1685-1750) ; Trio Sonate No 4 en Mi Mineur BWV 528 ; Michael Seeligmüller : orgue. Johannes Brahms (1833-1897) : Quatuor en Sol Mineur Op.25 ; Guillaume Chilemme : violon. Marie Chilemme : alto. Adrien Bellom : violoncelle ; Guillaume Bellom : piano.