Compte rendu concert. 26 ième Festival de Musique de Chambre de Salon de Provence. Salon de Provence, Château de l’Empéri, le 6 Aout 2018. Bach. Pahud. Teuscher. Berner. García Alarcón.
Après le concert si iconoclaste de la veille le sérieux avec lequel Leonardo García Alarcón a organisé le programme de ce concert tout Bach laisse admiratif. Que de la musique de la plus belle teneur et faisant se succéder charme, humour et profondeur sur le passage du jour à la nuit dans cette admirable cours du Château de l’Empéri.
L’acoustique si précise et chaleureuse permet dès les premières notes de la Sonate BWV 1034 de découvrir le très belle alchimie créer par les trois admirables musiciens réunis ce soir. La basse continue réalisée par Leonardo García Alarcón au clavecin et Zvi Plesser au violoncelle fonctionne comme une entité souple et amicale qui fait un tapis moelleux sur lequel la flûte d’Emmanuel Pahud peut planer avec élégance et nuancer à loisir. La sonorité de cette flûte Boehm n’a rien à envier en rondeur et couleur aux flûtes baroques. La manière tranquille et toute en douceur d’Emmanuel Pahud permet de déguster la beauté en toute sérénité de cette sonate. L’équilibre parfait dans l’andante permet un dialogue chambriste de pure grâce entre les trois musiciens et les très touchantes variations de Pahud dans la reprise sont d’une élégance absolument délicieuse. L’allegro final retrouve la précision des traits et le dialogue parfois malicieux ou même musclé entre les trois musiciens. Jamais le flûtiste ne tire à lui l’attention et toujours relance le dialogue nuancé et coloré avec ses collègues dont l’énergie est entrainante. Une pièce de musique de chambre pleine d’esprit et de complicité débute donc le programme et obtient un magnifique succès du public. Emmanuel Pahud, l’un des meilleurs flûtistes du monde est chéri du public et celui de Salon lui est totalement acquis. Les deux cantates suivantes intimistes sont deux faces du génie de Bach.
Et Bach de régner en grâce à Salon
L’humour de cette « Kafé Kantate » a été bien mis en valeur ce soir par une équipe très soudée sous la direction légère et modeste de Leonardo García Alarcón au clavecin. Martin Berner est un père bougon et au final très sympathique. Sa terrible fille est la très charmante Lydia Teuscher qui joue et chante sa partie avec beaucoup d’élégance. La voix est magnifique et se déploie avec facilité dans les volutes que Bach lui a composées. L’air accompagné par la flute très élégante de Pahud est un vrai petit bijou. Son air final est plein de sous entendus savoureux et le brillant du timbre y fait merveille comme la sagacité de l’interprète.
La deuxième cantate, « Ich Habe genug », encore plus intimiste est d’une tout autre nature, le recueillement dans le public a été parfait et les interprètes ont su avec grand art faire preuve de toute la noblesse requise. Martin Berner a chanté avec beaucoup de bonté et une ligne vocale parfaitement conduite ses deux airs. Le hautbois subtil et émouvant de François Meyer a marqué de la beauté de son timbre le premier air si dansant. Le timbre opulent du baryton sachant s’éclairer dans les aigus pour évoquer la lumière céleste. Dans le deuxième air les graves tenus dans le bas la tessiture mettent en valeur la voix du chanteur. Le texte assez fort se veut un appel à la mort serein voir impatient. C’est ainsi que le dernier air a été confié à la voix si lumineuse et pure de Lydia Teuscher. Les vocalises semblent si faciles à cette voix agile que la confiance dans cette mort espérée est une rhétorique lumineuse.
Quel bonheur de sentir tous ses interprètes si liés et si heureux d’offrir cette si belle partition au public en toute modestie.
Leonardo García Alarcón a choisi un très beau programme qui a eu beaucoup de succès.
Jusqu’à la surprise finale qui fait son petit effet sur le public. La sicilienne et badinerie de la suite en si mineur de Bach reste un moment de grande plénitude pour Emmanuel Pahud qui entouré de ses amis a ce soir osé danser et même swinguer dans ce final si brillant. Il l’a fait, comme chaque fois, exulter avec un art incomparable. Il était entendu de rendre hommage au génie de Bach qui a tant compté pour Schumann comme pour Brahms. Et nul doute que Bach aurait aimé entendre au Café Zimmermann les interprètes si unis de ce soir.
Hubert Stoecklin
Compte rendu concert. 26 ième Festival de Musique de Chambre de Salon de Provence. Salon de Provence, Château de l’Empéri, le 6 Aout 2018. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Sonate en mi mineur pour flûte et basse continue BWV 1034 ; Cantate du café BWV 211 ; Cantate « Ici Habe genug » BWV 82 avec : Emmanuel Pahud, flûte ; François Meyer, hautbois ; Daishin Kashimoto et Maja Avramovic, violon ; Lilli Maijala, alto ; Zvi Plesser, violoncelle ; Lydia Teuscher, soprano ; Martin Berner, baryton basse ; Leonardo García Alarcón, clavecin.
Par HUBERT STOECKLIN pour Classiquenews.com