40-1=39, c’est le XXXIXè Festival Piano aux Jacobins à Toulouse, rendez-vous musical incontournable, d’une qualité toujours au sommet, mené à bien avec cette indéfectible passion par leurs fondateurs. Du mercredi 5 au samedi 29 septembre, ce sont essentiellement des concerts au Cloître des Jacobins, écrin sublime toujours, pour jeunes pianistes comme figures tutélaires du clavier. Pour suivre, quelques exemples.
Commençons par un retour. Déjà venu au Cloître, mais sûrement pas assez car sa date du mercredi 12 a été prise d’assaut, c’est le pianiste Alexandre Tharaud dont l’éventail des goûts musicaux souligne l’éclectisme peu commun. Une des personnalités les plus originales du piano français, celui qui ne donne plus un concert sans partition, décision libératrice, un artiste qui vous dit : « J’aime cette idée d’être un passeur d’envie, un passeur de désir… », qui a besoin d’avoir un rapport tactile, presque physique avec les musiques qu’il découvre. Il est une preuve de ce maître mot : fidélité, socle du festival.
On salue le pianiste faisant l’ouverture du Festival, le 5, Joaquin Achucarro, un habitué qui en est même cette année, le doyen. Ce sera un concert tout Chopin avec, entre autres, ni plus ni moins que les 24 Préludes puis Barcarolle, Nocturnes et Polonaises et…Le compositeur polonais sera omniprésent dès 20h. On y joint, le 26, un des abonnés parmi les plus appréciés du Festival, un certain Luis Fernando Pérez, connu comme un grand spécialiste du répertoire espagnol. Granados, de Falla, Albeniz, Monpou seront au programme mais Debussy aussi et on est tout aussi impatient d’entendre l’Alborada del gracioso de… Ravel : quel programme !
Ils font partie maintenant de la liste des pianistes reconnus et il est donc logique de les retrouver aussi dans la programmation d’un festival de ce niveau, Théo Georgiu le 13 et le lendemain Steven Osborne. Tous deux ont mis des pièces de Debussy à leur programme, le premier l’ouvrant avec rien moins que les Variations Goldberg, et le second l’a bâti sur non pas une mais deux sonates de Prokofiev, la 6 et la 7, sans oublier la Sonate n°1 de Berg. C’est un programme de…fou !!
Attentifs aux talents en devenir, Piano aux Jacobins a toujours réservé une place de choix à des pianistes de la nouvelle génération. Cette caractéristique s’affirme encore plus que jamais au cours d’une édition où l’on découvre des artistes venus d’horizons très divers. Empressons nous de citer trois lauréats du projet “L’Europe du piano“, soit Célia Oneto Bensaid, le 15, Ido Ramot le 10, et Marie-Ange Nguci, le 17, chacun avec des programmes téméraires, d’une grande diversité, avec des œuvres et même des compositeurs peu ou pas connus. En un mot, la jeunesse n’a peur de rien. L’Europe du piano est un projet européen inscrit dans la cadre du programme Europe créative, fruit de la coopération de l’Académie Franz Liszt de Budapest, de l’Association Clementi et du Festival Piano aux Jacobins.
On rajoute Alberto Ferro, le 25 au Cloître, comptant parmi les plus remarquables pianistes italiens de cette nouvelle génération du nouveau siècle.
Pianiste toulousain qu’on ne présente plus, le spécialiste des défis, Bertrand Chamayou participe à une création mondiale à Saint-Pierre des Cuisines avec la danseuse Elodie Sicard le 19. Avec quatre pianos préparés sur des pièces de John Cage et installés sur scène, la rencontre de sa musique et de la danse s’annonce aussi évidente que spectaculaire et pleine d’inattendu.
Même lieu pour une autre création mondiale le 8, le récital de Nicolas Horvath qui marque l’ouverture d’un événement, la saison Moondog, l’hommage toulousain au compositeur légendaire du XXè siècle, le musicien aveugle inclassable, le “clochard céleste“ et visionnaire. Il fallait un pianiste hors normes au parcours atypique, passionné de musique contemporaine, spécialiste des récitals marathons, et de Phil Glass, on l’a.
Le Festival s’est ouvert depuis plusieurs années au jazz. La jeune génération française est au rendez-vous avec une Carte Blanche à Rémi Patossian à L’Escale de Tournefeuille, le 22 et Carte Blanche à Amaury Faye à la Cité de l’espace, dans le cadre de la nuit européenne des chercheurs, le 28. L’un et l’autre jouent en solo, mais aussi en trio, le premier dans le Trio RP3 le second en trio ou dans le collectif Initiative H.
Deux autres dates pour parfaire le côté jazz du Festival, ce sera un concert gratuit pour les étudiants au Cloître, le 27 avec Jean-Marie Machado, pianiste passé par le classique et, toujours au Cloître, le 21, l’étonnant Aldo Lopez-Gavilan tout aussi à l’aise dans le classique que dans le jazz, pianiste cubain à la palette de couleurs immense, “à la technique éblouissante et sa rythmique de feu“.
La salle Altigone à Saint-Orens participe à la fête du clavier, le 27, avec Jean-Baptiste Fonlupt, pianiste repéré et choisi par un chef de la trempe de Valery Gergiev mais aussi par le vénézuélien Christian Marquez. Son programme affiche des pages de Liszt dont il est un des plus talentueux interprètes. Ne pas oublier, un pianiste à la limite de l’inclassable, le luxembourgeois formé à l’école baroque, Francesco Tristano, qui jette des ponts incroyables entre les styles baroque, contemporain et électro, n’hésitant pas à enregistrer avec Derrick May, l’un des pionniers de la techno de Detroit, ni plus, ni moins. Ce sera un concert électro sûrement fou à la Halle aux Grains, le 29 en clôture du Festival.
Rappelons que Piano aux Jacobins, ce sont aussi des commandes passées expressément par le Festival à différents compositeurs. C’est aussi Piano aux Jacobins en Asie pour la Quatorzième édition, de Nanjing à Shangaï en passant par Beijing, Harbin, Tianjin, Wuhan, Suzhou plus un petit détour par le Japon. C’était du 5 au 13 mai, en période plus agréable.
Le programme est livré au talent de la plasticienne associée Alix le Meleder, aux travaux singuliers. Quant à la brochure, elle vous livrera encore quelques dates car, hélas, cet article ne peut pas tout vous livrer, et donc, bonne lecture pour, aussi, les informations pratiques omises ici, volontairement ou non.
Michel Grialou
Alexandre Tharaud © Marc Borggreve • Joaquin Achucarro © Jean-Baptiste Millot • Luis Fernando Pérez © Marine de Lafregeyre • Steven Osborne © Ben Ealovega • Oneto Bensaid @ Natacha Colmez-Collard • Marie-Ange Nguci © Natacha Colmez Photography • Bertrand Chamayou © Marco Borggreve • Alberto Ferro © Celine Michel • Rémi Patossian © JB Millot • Amaury Faye © Louise Verdier • Jean-Marie Machado © Bertrand Pichene • Aldo Lopez-Gavilan @ Iván Soca Pascual • Jean-Baptiste Fonlupt © Beatrice Cruveiller