Le Boris de Ivo van Hove est en costume-cravate, le peuple en jean, sweat à capuche ou doudoune bleu pétrole. Ce pourrait être une répétition, chacun étant là comme il est, avec ses baskets, ses lunettes, sa gourmette.
Donc Boris porte une montre. Certainement invisible dans ses détails depuis n’importe quel siège de Bastille. Mais rien n’échappe à la caméra. Un gros plan sur Boris et – ah tiens ! il est 21h15. Exactement l’heure de Bastille, l’heure de cette salle de Toulouse.
Qui est donc celui qui est là ? Boris Godounov ou Ildar Abdrazakov ?
Plusieurs hypothèses s’offrent à nous :
-
Ildar Abdrazakov a oublié d’enlever sa montre avant d’entrer en scène, le costume-cravate qu’il porte est le sien, il l’a gardé en sortant du bureau ; il a quand même pris soin de déposer son attaché-case et sa carte Navigo dans sa loge.
-
Un type qui se fait passer pour Boris Godounov a piqué les vêtements et la montre d’Ildar Abdrazakov dans sa loge (Ildar Abdrazakov, lui, est ligoté dans sa loge dans les habits de Boris).
-
Un type chante le personnage d’Ildar Abdrazakov en train de chanter Boris à 21h15.
-
Le metteur en scène pousse la transposition à notre époque jusqu’à la transposition en temps réel.
-
Le metteur en scène veut nous montrer qu’il n’y a pas de mise en scène (on le croit aisément).
Si Rigoletto ou Falstaff avaient une montre, ils n’entendraient plus jamais les douze coups de minuit puisque les représentations, sauf peut-être celles des festivals d’été, se terminent bien avant. Sparafucile pourrait remplir son sac de patates et les fées aller se rhabiller.
Boris Godounov
Retransmission en direct de l’Opéra Bastille, UGC Toulouse, 7 juin 2018
Une chronique de Una Furtiva Lagrima.