Un récital de Grigory Sokolov résonne toujours comme un événement hors du commun. Les programmes qu’il élabore, la plupart du temps connus au dernier moment, reflètent bien l’originalité de cet artiste exceptionnel et inclassable. Ce brillant premier Prix au Concours Tchaïkovski 1966 semble bien avoir pris ses marques à Toulouse où il est l’invité cette année encore de la saison de Grands Interprètes. Ce sera le 4 juin prochain, à la Halle aux Grains.
Paradoxe vivant à l’ère de l’hypermédiatisation, Grigory Sokolov est longtemps resté un des secrets les mieux gardés des connaisseurs du piano. Ce magistral interprète ne se répand pas en confidences sur la place publique. Sa carrière, médiatiquement discrète, l’amène à parcourir le monde avec un répertoire d’une impressionnante étendue, de William Byrd à Arnold Schönberg. Que ce soit en récital ou en concert avec orchestre, Grigory Sokolov reçoit partout un accueil enthousiaste de la part du public comme de la critique. Il déclare : « La musique n’est pas un métier, c’est la vie tout simplement ! L’interprétation, ce n’est pas un travail de dix minutes, de dix jours ou d’un mois. C’est le produit de toute une vie. » Son large répertoire et l’intensité particulière de ses interprétations en font un interprète recherché par toutes les institutions musicales du moment. S’il enregistre peu, c’est sans doute parce que la musique, à ses yeux, se vit dans la fébrilité de l’instant et ne saurait être mise en boîte une fois pour toutes.
Né à Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg) Grigory Sokolov débute ses études de musique à l’âge de cinq ans. Deux ans plus tard, il entre à l’École spécialisée du Conservatoire de Leningrad pour étudier auprès de Liya Zelikhman. A douze ans, il donne son premier récital public, mais c’est en 1966 qu’on découvre son talent prodigieux, quand, à seulement seize ans, il devient le plus jeune musicien de l’histoire à recevoir le Grand Prix du Concours International Tchaïkovski de Moscou. Il entreprend ensuite de grandes tournées aux États-Unis et au Japon dans les années 70, période pendant laquelle son jeu évolue et gagne en maturité loin des projecteurs de la scène internationale. Après l’effondrement de l’Union Soviétique, Sokolov se fait de plus en plus présent sur les plus grandes scènes et dans les principaux festivals européens.
Le programme de son récital toulousain du 4 juin prochain associe deux compositeurs majeurs du répertoire germanique : Joseph Haydn et Franz Schubert.
La première partie de la soirée sera consacrée à trois pièces majeures de Haydn. La Sonate (Divertimento) n° 32 op. 53 n° 4 en sol mineur Hob.XVI:44 a été composée entre 1771 et 1773. Ses deux mouvements établissent un climat intime et mélancolique. Son homologue n° 47 op. 14 n° 6 en si mineur Hob.XVI:32, extraite d’un recueil de 6 sonates diffusé en 1776, entraîne l’auditeur de la bonhomie vers la grâce puis vers la folie. Enfin, la Sonate n° 49 op. 30 n° 2 en do dièse mineur Hob.XVI:36 alterne poésie et vigueur.
La seconde partie du concert sera consacrée aux Quatre Impromptus, op. 142 D. 935, composés par Schubert probablement en décembre 1827, un an exactement avant sa mort si précoce à l’âge de 31 ans. Ces pièces aux caractères très complémentaires pourraient constituer une sonate « cachée » en 4 mouvements. Une musique de l’âme qui mêle subtilement tendresse et passion.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
Les Grands Interprètes
Grigory Sokolov (piano)
lundi 04 juin 2018
Halle aux Grains – 20h00
photo : Klaus Rudolph